Influencer, c’est faire surgir, par des
manipulations contextuelles ad hoc, un sens qui s’impose aux
interlocuteurs et les amène à agir en conformité avec lui. Bien entendu, le
manipulateur a prévu ce sens, de telle sorte que l’action qui lui correspond
soit en accord avec ce qu’il attend. […] Si le sens d’un phénomène ou d’un
objet est relatif au contexte dans lequel il se trouve ou, plus généralement
est relatif à la situation dans laquelle il s’insère, alors, manipuler le sens
passe par une manipulation de la situation. Le cas le plus récent est la crise
ukrainienne. En effet, c’est en changeant les caractéristiques de la situation
que je changerai le sens du phénomène, puisque sa signification est corrélative
de cette situation ».
Mais la construction des stratégies
d’influence contemporaines (par nature
délicate puisqu’elle réclame davantage d’intelligence, c’est-à-dire de
subtilité, d’adresse, de rigueur et de froideur, que la violence) se double
d’une seconde difficulté : l’intensification de la complexité et de
l’incertitude de notre monde globalisé et structuré en réseaux. Pour le dire
autrement, l’explosion du nombre de « parties prenantes », aux interconnexions
permanentes et multiples, conduit à raffiner à l’extrême les processus
d’influence.
Les acteurs politiques africains se
laissent trop facilement tenter par la violence en cas de situation
conflictuelle. Si la violence intervient lorsque la parole devient inopérante,
est-il encore nécessaire de tuer l’Autre en cas d’opposition d’idées,
d’intérêts conflictuels dans un monde où les acteurs avisés savent et entendent
tout ce que vous faites ?
La fabrique de consensus
est une construction des stratégies d’influence que nous proposons comme
alternative au passage à l’acte violent dans le processus décisionnaire du chef
en temps de crise.
Elles expriment et structurent les
affrontements d’acteurs dans l’ensemble des sphères de compétition entre les
collectivités humaines, les modèles culturels et les organisations privées. Il
ne s’agit plus vraiment de terrasser le rival de manière agressive, mais de le
priver en douceur (en avançant masqué ou
en affichant une parfaite hypocrisie) de sa liberté de mouvement, de
contraindre ses choix, de limiter ses possibilités et ses perspectives de gains
en aménageant l’environnement global dans lequel il évolue, ceci afin d’assurer
son déclin progressif et sa propre suprématie. N’importe
quel individu, n’importe quelle organisation, tente d’influencer ses
interlocuteurs, qu’ils soient des partenaires ou des rivaux. L’influence (qualifié
par Joseph Nye de Soft power, lequel repose en fait sur l’art du storytelling) constitue en fait l’une des trois seules options opposables à la violence (à
l’affrontement physique, matériel), c’est-à-dire qu’il se définit comme le
quatrième mode d’intersubjectivité possible entre les êtres humains. Le premier
est précisément la guerre (au sens militaire, synonyme de violence), le deuxième est la négociation (fondée sur l’intérêt, l’utilité, dans le cadre d’un échange,
peu importe sa nature), et le troisième l’amour, thème sur lequel Luc Ferry a récemment tracé des perspectives
stimulantes. Et pour parvenir à influencer l’Autre, quatre chemins s’avèrent disponibles
: l’exemplarité, l’argumentation (fondée
sur la discussion, l’échange d’opinions et de réflexions s’enchaînant dans une
dynamique rationnelle), la séduction et la manipulation.
2015-2025 -
HOMO AFRICANUS : De la violence politique aux stratégies d’influence
Les situations politiques et économiques, au cours de cette
prochaine décennie, vont être complexes
et souvent très difficiles à gérer dans un contexte où le droit d’ingérence
humanitaire et le paravent démocratique donnent aux puissances externes à
l’Afrique, le droit de déstabiliser un régime et décider du maintien ou non des
régimes gruyères africains. La nouvelle donne me fait dire qu’il n’est pas bon actuellement de tout gérer par la
violence politique et que le temps des dictatures brutales est presque révolu.
Le tryptique « information-émergence
économique-thématique sociale » nous incline à penser que la violence
d’État en 2015-2016 ne sera plus une solution politique au cours de cette
période où la parole risque d’être opérante face à la violence des intérêts
conflictuels et clivant en jeu.
Les experts
de DB CONSEILS se proposent de rendre
publique certaines alternatives à la violence politique dans un contexte
africain réputé violent, sans respect de l’Autre, généralement en panne
d’imagination et d’idées novatrices. La gouvernance du monde se complexifie et
évolue sans cesse, plusieurs paradigmes vieillissent et de nouvelles
complexités imposent aux élites africaines de produire de nouveaux concepts
pour faire face de manière endogène à cette évolution. Dans un rapport du
faible au fort sur le plan international, les États africains souffrent d’une obsolescence
créative en termes de doctrine, d’idéologie et d’influence. En interne, nous relevons, un manque de
visibilité des choix capacitaires des partis politiques, l’absence d’approche
réaliste pour assurer une réelle résilience face aux incertitudes et aux
complexités politiques. Les déficits structurel et théorique en termes d’audace
conceptuelle réduisent les acteurs politiques à copier-coller tout ce qui est
possible de l’être. Malheureusement, dans un rapport du faible au fort (majorité présidentielle-opposition),
l’asymétrie des moyens et des rapports de force pour l’opposition et, les
contraintes d’un monde ouvert pour le pouvoir en place, imposent aux différents
acteurs, une nouvelle gestion des crises, des situations critiques ainsi que
des événements imprévisibles.
COMMUNICATION D'INFLUENCE et MANAGEMENT DE LA PERCEPTION
LA FABRIQUE DE
CONSENSUS
Nos travaux internes en communication d’influence et management de
la perception, en amont de nos missions, nous ont permis de mettre au point un
appareil de solutions adapté au contexte africain et surtout franco-africain appelé :
LA FABRIQUE DE CONSENSUS. Nous vous proposons ici quelques solutions
issues de notre expérience structurée autour des logiques de matrices.
La logique des
processus décisionnaires
Majorité
présidentielle / Opposition
Ne jamais comprendre un conflit
(modification de la constitution par exemple) comme l’opposition entre deux
ennemis (en Afrique l’adversaire
politique n’existe pas, il est considéré comme un ennemi, donc à neutraliser,
pardon, à tuer…La différence est lourde de sens dans les logiques d’action et
d’approche. Cette vision est à proscrire dans notre fabrique de consensus). Dans
un conflit de positionnement et de communication, il faut comprendre ce conflit,
comme une opposition entre leurs (majorité/opposition) processus
décisionnaires. En d’autres termes, dans la prise de décisions, l’adversaire
politique utilise l’information dont il dispose sur :
- le point en conflit,
- la zone d’intérêt conflictuel
- ses propres militants et sur les
vôtres,
- sa capacité à voler.
La stratégie consiste à influer ses canaux d’information en
envoyant des messages qui fassent basculer le flux d’information dans une
direction qui vous soit favorable. A vous de traduire le raisonnement adverse
par une série de boucles interdépendantes (logistique,
finance, soutien populaire, moral des militants, opinion internationale…) afin
de pouvoir cibler des actions précises pour mener des opérations d’influence. Une
stratégie d’influence ne peut être efficace que si plusieurs conditions sont
réunies. Impérativement pensée sur le long terme, la stratégie d’influence se
doit d’identifier clairement les cibles afin de définir précisément le message
pour que celui-ci ait un sens et puisse fournir les repères à l’action. La
stratégie ne peut être un succès que si elle arrive à influencer « ceux qui
font l’opinion ». Les trois types de
cibles à atteindre sont: les relais d’opinion et d’influence, les décideurs
publics et privés (groupe de pression, collectivité locale, réseau
diplomatique, chambre de commerce et d’industrie…) et « les parties prenantes
», c’est-à-dire le peuple, les masses laborieuses. La stratégie d’influence ne
peut aboutir que si ces « parties prenantes » adhèrent et comprennent les
enjeux.
La logique du
« contrôle réfléchi » réflexive
control
Il ne suffit plus de contrôler la médiasphère, mais il s’agit de
produire de la connaissance orientée vers vos résultats et une information
ciblée afin d’exercer votre influence substantielle dans l’infosphère, dont la
présence continue s’avère indispensable. Dans ce monde devenu ouvert où le
monde avisé vous regarde, sait et entend
ce que vous dites et faites, l’univers informationnel globalisé devient à la
fois un allié et une menace. Vivre à la marge de ce monde est suicidaire, il
faut donc développer des outils indispensables et parfaitement adaptés aux
moyens dont vous disposez pour être et durer dans la sphère numérique de
l’Autre.
Dans un rapport du faible au fort, opposition/majorité, les
acteurs oublient souvent la force et l’importance de la distraction. En clair fixer et mobiliser l’adversaire sur un
point fixe est jugé en fait secondaire. Il s’agit tactiquement de maintenir les
forces de l’adversaire dans la phase préparatoire d’un conflit, en lui faisant
croire à tort qu’une menace existe sur sa position. La suggestion, c’est la puissance du faible, elle vise à diffuser
de l’information ayant un impact sur les réalités idéologiques, coutumières,
tribales, morales ou légales de l’Autre. La
saturation, est votre capacité à produire de la connaissance, de
l’information qui se traduit par l’envoi massif d’informations contradictoires,
visant le brouillage de la compréhension de l’autre.
Dans un rapport du faible au fort l’influence apparait comme le
sens moyen de rétablir l’équilibre des positions et quelques fois des forces
déséquilibrées. Enfin, le brouillage informationnel a pour rôle de faire perdre
le contrôle de l’information à l’adversaire. La finalité étant d’acquérir une
domination informationnelle. Le postulat étant que la capacité stratégique d’un
adversaire est significativement relative à sa capacité de gouvernance
informationnelle ainsi qu’à la perception des parties prenantes.
L’absence
d’une réflexion transversale : l’idéologie
Un soir, je discutais avec un célèbre homme politique africain sur
l’affaissement de la production théorique, de la faiblesse de l’effort
intellectuel des cadres des partis politiques, après les parenthèses
démocratiques africaines des années 90 (les fameuses conférences nationales
« souveraines »). Il ressort de cet échange, constat partagé, celui d’un
déficit doctrinal et d’un manque d’audace conceptuelle dans les partis
politiques africains. Sans vouloir disserter sur l’idéologie retenons tout de
même, en ce qui vous concerne, qu’une idéologie
est un moyen au service d'une fin. Elle est importante en ces temps
difficiles et conflictuels, car une idéologie confère une autorité à des
principes d'abord, d'où découleront tous les autres, à des gens ensuite, qui
interpréteront ces principes, le Parti, par exemple. Une idéologie, c’est une
force en marche, une idée de tête en tête. Elle a besoin de vecteurs et relais.
Son succès dépend des configurations stratégiques et techniques qui lui
confèrent plus ou moins d’impact. On l'adapte et on l'adopte : elle
s'intériorise. Pour cela, il faut des médias pour transmettre le message (et,
si possible, étouffer le message contraire),
Il faut s'adapter à un milieu à conquérir et il faut enfin et surtout une
stratégie et des gens. Une stratégie pour propager l'idéologie, par exemple une
technique de prosélytisme ou de propagande. Il faut des gens pour commenter,
illustrer et faire passer l'idéologie. Selon les lieux et les époques, ces
gens-là se nomment des missionnaires, des militants, des journalistes, des
intellectuels, des minorités actives... La propagation d'une idéologie requiert
donc :
- le
bon message. Le
bon message est certes "persuasif" donc capable d'entraîner la
conviction de celui qui le reçoit par une démonstration (administration de
preuves dont éventuellement des preuves par l'image, mais aussi
raisonnement amenant le destinataire aux mêmes conclusions que vous), mais
il est aussi émotif. Au-delà de la question de la démonstration
rationnelle ou pseudo-rationnelle, il s'agit aussi de toucher la corde
affective, de provoquer des sentiments d'admiration, de répulsion,
d'indignation, d'enthousiasme, etc.
Toute stratégie
d’influence repose donc sur un volet idéologique fort
Une bonne idéologie permet
d’éviter généralement l’apparition de l’ennemi intérieur dans un parti ou dans
un pays. Une idéologie, ce n'est pas seulement une idée à laquelle on peut
adhérer ou pas, ce n'est même pas un corpus, un ensemble de notions et
affirmations ayant une relation de cohérence entre elles, c'est un code : une
machine à produire de nouvelles interprétations conformes aux finalités du
modèle. Une idéologie permet tout à la fois de rêver, de croire que l'on
possède une explication du monde. Enfin l'idéologie sert à rentrer dans une
communauté (avec tous ceux qui partagent la même vérité que vous). Le déficit
doctrinal des partis politiques africains fait de leur positionnement politique
ainsi que de la stratégique de communication, une expression d’égos
surdimensionnés. Une idéologie, ce n'est pas seulement une idée à laquelle on
peut adhérer ou pas, ce n'est même pas un corpus, un ensemble de notions et
affirmations ayant une relation de cohérence entre elles, c'est un code : une
machine à produire de nouvelles interprétations conformes aux finalités du
modèle.
Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique et Communication d'influence