lundi 23 février 2015

Les alternances à la violence politique dans le processus décisionnel du chef en temps de crise



Influencer, c’est faire surgir, par des manipulations contextuelles ad hoc, un sens qui s’impose aux interlocuteurs et les amène à agir en conformité avec lui. Bien entendu, le manipulateur a prévu ce sens, de telle sorte que l’action qui lui correspond soit en accord avec ce qu’il attend. […] Si le sens d’un phénomène ou d’un objet est relatif au contexte dans lequel il se trouve ou, plus généralement est relatif à la situation dans laquelle il s’insère, alors, manipuler le sens passe par une manipulation de la situation. Le cas le plus récent est la crise ukrainienne. En effet, c’est en changeant les caractéristiques de la situation que je changerai le sens du phénomène, puisque sa signification est corrélative de cette situation ».
Mais la construction des stratégies d’influence contemporaines (par nature délicate puisqu’elle réclame davantage d’intelligence, c’est-à-dire de subtilité, d’adresse, de rigueur et de froideur, que la violence) se double d’une seconde difficulté : l’intensification de la complexité et de l’incertitude de notre monde globalisé et structuré en réseaux. Pour le dire autrement, l’explosion du nombre de « parties prenantes », aux interconnexions permanentes et multiples, conduit à raffiner à l’extrême les processus d’influence.
Les acteurs politiques africains se laissent trop facilement tenter par la violence en cas de situation conflictuelle. Si la violence intervient lorsque la parole devient inopérante, est-il encore nécessaire de tuer l’Autre en cas d’opposition d’idées, d’intérêts conflictuels dans un monde où les acteurs avisés savent et entendent tout ce que vous faites ?

La fabrique de consensus est une construction des stratégies d’influence que nous proposons comme alternative au passage à l’acte violent dans le processus décisionnaire du chef en temps de crise.

Elles expriment et structurent les affrontements d’acteurs dans l’ensemble des sphères de compétition entre les collectivités humaines, les modèles culturels et les organisations privées. Il ne s’agit plus vraiment de terrasser le rival de manière agressive, mais de le priver en douceur (en avançant masqué ou en affichant une parfaite hypocrisie) de sa liberté de mouvement, de contraindre ses choix, de limiter ses possibilités et ses perspectives de gains en aménageant l’environnement global dans lequel il évolue, ceci afin d’assurer son déclin progressif et sa propre suprématie. N’importe quel individu, n’importe quelle organisation, tente d’influencer ses interlocuteurs, qu’ils soient des partenaires ou des rivaux. L’influence (qualifié par Joseph Nye de Soft power, lequel repose en fait sur l’art du storytelling) constitue en fait l’une des trois seules options opposables à la violence (à l’affrontement physique, matériel), c’est-à-dire qu’il se définit comme le quatrième mode d’intersubjectivité possible entre les êtres humains. Le premier est précisément la guerre (au sens militaire, synonyme de violence), le deuxième est la négociation  (fondée sur l’intérêt, l’utilité, dans le cadre d’un échange, peu importe sa nature), et le troisième l’amour, thème sur lequel Luc Ferry a récemment tracé des perspectives stimulantes. Et pour parvenir à influencer l’Autre, quatre chemins s’avèrent disponibles : l’exemplarité, l’argumentation (fondée sur la discussion, l’échange d’opinions et de réflexions s’enchaînant dans une dynamique rationnelle), la séduction et la manipulation.

2015-2025 - HOMO AFRICANUS : De la violence politique aux stratégies d’influence

Les situations politiques et économiques, au cours de cette prochaine décennie,  vont être complexes et souvent très difficiles à gérer dans un contexte où le droit d’ingérence humanitaire et le paravent démocratique donnent aux puissances externes à l’Afrique, le droit de déstabiliser un régime et décider du maintien ou non des régimes gruyères africains.  La nouvelle donne me fait dire qu’il n’est pas bon actuellement de tout gérer par la violence politique et que le temps des dictatures brutales est presque révolu. Le tryptique « information-émergence économique-thématique sociale » nous incline à penser que la violence d’État en 2015-2016 ne sera plus une solution politique au cours de cette période où la parole risque d’être opérante face à la violence des intérêts conflictuels et clivant en jeu.

Les experts de DB CONSEILS se proposent de rendre publique certaines alternatives à la violence politique dans un contexte africain réputé violent, sans respect de l’Autre, généralement en panne d’imagination et d’idées novatrices. La gouvernance du monde se complexifie et évolue sans cesse, plusieurs paradigmes vieillissent et de nouvelles complexités imposent aux élites africaines de produire de nouveaux concepts pour faire face de manière endogène à cette évolution. Dans un rapport du faible au fort sur le plan international, les États africains souffrent d’une obsolescence créative en termes de doctrine, d’idéologie  et d’influence.  En interne, nous relevons, un manque de visibilité des choix capacitaires des partis politiques, l’absence d’approche réaliste pour assurer une réelle résilience face aux incertitudes et aux complexités politiques. Les déficits structurel et théorique en termes d’audace conceptuelle réduisent les acteurs politiques à copier-coller tout ce qui est possible de l’être. Malheureusement, dans un rapport du faible au fort (majorité présidentielle-opposition), l’asymétrie des moyens et des rapports de force pour l’opposition et, les contraintes d’un monde ouvert pour le pouvoir en place, imposent aux différents acteurs, une nouvelle gestion des crises, des situations critiques ainsi que des événements imprévisibles.

COMMUNICATION D'INFLUENCE et MANAGEMENT DE LA PERCEPTION
LA FABRIQUE DE CONSENSUS

Nos travaux internes en communication d’influence et management de la perception, en amont de nos missions, nous ont permis de mettre au point un appareil de solutions adapté au contexte africain et surtout franco-africain appelé : LA FABRIQUE DE CONSENSUS.  Nous vous proposons ici quelques solutions issues de notre expérience structurée autour des logiques de matrices.

La logique des processus décisionnaires
Majorité présidentielle / Opposition

Ne jamais comprendre un conflit (modification de la constitution par exemple) comme l’opposition entre deux ennemis (en Afrique l’adversaire politique n’existe pas, il est considéré comme un ennemi, donc à neutraliser, pardon, à tuer…La différence est lourde de sens dans les logiques d’action et d’approche. Cette vision est à proscrire dans notre fabrique de consensus). Dans un conflit de positionnement et de communication, il faut comprendre ce conflit, comme une opposition entre leurs (majorité/opposition) processus décisionnaires. En d’autres termes, dans la prise de décisions, l’adversaire politique utilise l’information dont il dispose sur :
  • le point en conflit,
  • la zone d’intérêt conflictuel
  • ses propres militants et sur les vôtres,
  • sa capacité à voler.
La stratégie consiste à influer ses canaux d’information en envoyant des messages qui fassent basculer le flux d’information dans une direction qui vous soit favorable. A vous de traduire le raisonnement adverse par une série de boucles interdépendantes (logistique, finance, soutien populaire, moral des militants, opinion internationale…) afin de pouvoir cibler des actions précises pour mener des opérations d’influence. Une stratégie d’influence ne peut être efficace que si plusieurs conditions sont réunies. Impérativement pensée sur le long terme, la stratégie d’influence se doit d’identifier clairement les cibles afin de définir précisément le message pour que celui-ci ait un sens et puisse fournir les repères à l’action. La stratégie ne peut être un succès que si elle arrive à influencer « ceux qui font l’opinion ». Les trois types de cibles à atteindre sont: les relais d’opinion et d’influence, les décideurs publics et privés (groupe de pression, collectivité locale, réseau diplomatique, chambre de commerce et d’industrie…) et « les parties prenantes », c’est-à-dire le peuple, les masses laborieuses. La stratégie d’influence ne peut aboutir que si ces « parties prenantes » adhèrent et comprennent les enjeux.

La logique du « contrôle réfléchi » réflexive control

Il ne suffit plus de contrôler la médiasphère, mais il s’agit de produire de la connaissance orientée vers vos résultats et une information ciblée afin d’exercer votre influence substantielle dans l’infosphère, dont la présence continue s’avère indispensable. Dans ce monde devenu ouvert où le monde avisé vous regarde,  sait et entend ce que vous dites et faites, l’univers informationnel globalisé devient à la fois un allié et une menace. Vivre à la marge de ce monde est suicidaire, il faut donc développer des outils indispensables et parfaitement adaptés aux moyens dont vous disposez pour être et durer dans la sphère numérique de l’Autre.

Dans un rapport du faible au fort, opposition/majorité, les acteurs oublient souvent la force et l’importance de la distraction. En clair fixer et mobiliser l’adversaire sur un point fixe est jugé en fait secondaire. Il s’agit tactiquement de maintenir les forces de l’adversaire dans la phase préparatoire d’un conflit, en lui faisant croire à tort qu’une menace existe sur sa position. La suggestion, c’est la puissance du faible, elle vise à diffuser de l’information ayant un impact sur les réalités idéologiques, coutumières, tribales, morales ou légales de l’Autre. La saturation, est votre capacité à produire de la connaissance, de l’information qui se traduit par l’envoi massif d’informations contradictoires, visant le brouillage de la compréhension de l’autre.

Dans un rapport du faible au fort l’influence apparait comme le sens moyen de rétablir l’équilibre des positions et quelques fois des forces déséquilibrées. Enfin, le brouillage informationnel a pour rôle de faire perdre le contrôle de l’information à l’adversaire. La finalité étant d’acquérir une domination informationnelle. Le postulat étant que la capacité stratégique d’un adversaire est significativement relative à sa capacité de gouvernance informationnelle ainsi qu’à la perception des parties prenantes.

L’absence d’une réflexion transversale : l’idéologie

Un soir, je discutais avec un célèbre homme politique africain sur l’affaissement de la production théorique, de la faiblesse de l’effort intellectuel des cadres des partis politiques, après les parenthèses démocratiques africaines des années 90 (les fameuses conférences nationales « souveraines »). Il ressort de cet échange, constat partagé, celui d’un déficit doctrinal et d’un manque d’audace conceptuelle dans les partis politiques africains. Sans vouloir disserter sur l’idéologie retenons tout de même, en ce qui vous concerne, qu’une idéologie est un moyen au service d'une fin. Elle est importante en ces temps difficiles et conflictuels, car une idéologie confère une autorité à des principes d'abord, d'où découleront tous les autres, à des gens ensuite, qui interpréteront ces principes, le Parti, par exemple. Une idéologie, c’est une force en marche, une idée de tête en tête. Elle a besoin de vecteurs et relais. Son succès dépend des configurations stratégiques et techniques qui lui confèrent plus ou moins d’impact. On l'adapte et on l'adopte : elle s'intériorise. Pour cela, il faut des médias pour transmettre le message (et, si possible, étouffer le  message contraire), Il faut s'adapter à un milieu à conquérir et il faut enfin et surtout une stratégie et des gens. Une stratégie pour propager l'idéologie, par exemple une technique de prosélytisme ou de propagande. Il faut des gens pour commenter, illustrer et faire passer l'idéologie. Selon les lieux et les époques, ces gens-là se nomment des missionnaires, des militants, des journalistes, des intellectuels, des minorités actives... La propagation d'une idéologie requiert donc :
  • le bon message. Le bon message est certes "persuasif" donc capable d'entraîner la conviction de celui qui le reçoit par une démonstration (administration de preuves dont éventuellement des preuves par l'image, mais aussi raisonnement amenant le destinataire aux mêmes conclusions que vous), mais il est aussi émotif. Au-delà de la question de la démonstration rationnelle ou pseudo-rationnelle, il s'agit aussi de toucher la corde affective, de provoquer des sentiments d'admiration, de répulsion, d'indignation, d'enthousiasme, etc.
Toute stratégie d’influence repose donc sur un volet idéologique fort

 Une bonne idéologie permet d’éviter généralement l’apparition de l’ennemi intérieur dans un parti ou dans un pays. Une idéologie, ce n'est pas seulement une idée à laquelle on peut adhérer ou pas, ce n'est même pas un corpus, un ensemble de notions et affirmations ayant une relation de cohérence entre elles, c'est un code : une machine à produire de nouvelles interprétations conformes aux finalités du modèle. Une idéologie permet tout à la fois de rêver, de croire que l'on possède une explication du monde. Enfin l'idéologie sert à rentrer dans une communauté (avec tous ceux qui partagent la même vérité que vous). Le déficit doctrinal des partis politiques africains fait de leur positionnement politique ainsi que de la stratégique de communication, une expression d’égos surdimensionnés. Une idéologie, ce n'est pas seulement une idée à laquelle on peut adhérer ou pas, ce n'est même pas un corpus, un ensemble de notions et affirmations ayant une relation de cohérence entre elles, c'est un code : une machine à produire de nouvelles interprétations conformes aux finalités du modèle. 

Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique et Communication d'influence

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