lundi 29 octobre 2012


L’Afrique face à la mondialisation »
Mardi 6 novembre 2012 de 18h à 21h
14, avenue René Boylesve - Paris 16ème (Métro 6 : Passy)
 

Table 1: « Intégration économique de la diaspora et son apport au co-développement »
 
Intervenants :
  • Alain NKENE BENE, Président, FAFRAD
  • Thibeaud OBOU, Consultant en Stratégie & Expert en Organisation
  • Réda Didi, Délégué général ONG chez GDF
  • Patrice PASSY, Directeur Général chez M.I.Q Conseil
  • Mushiya KABEYA, Direction des opérations DM2C
 
Modération :
 
Nsona KAMALANDUA, Chef service Afrique, Groupe Jeune Afrique Economique
 
Table 2: « Où trouver les financements et quels types de partenariats ? »
 
Intervenants :
  • Philippe MANGEARD, Vice-président d’UBIFRANCE
  • Olivier STINTZY, Associé gérant d’EDIFICE CAPITAL
  • Karine BARCLAIS, Directrice France et Pays Francophones de la convention annuelle sur l’investissement du Ministère du Commerce Extérieur des Emirats Arabes Unis
  • Olivier de BOYSSON, Chef économiste des pays émergents - Société Générale
  • John RAVALOSON, Directeur ARBORESCENCE CAPITAL.
Modération : 
 
 Olivier WYBO, Avocat Cabinet Racine.
 

lundi 22 octobre 2012

dimanche 14 octobre 2012

L’épineuse question du processus décisionnel du chef de l'Etat en temps de crise en Afrique francophone

Comme précédemment annoncé (http://ppassy.blogspot.fr/2012/10/gestion-de-crises-et-intelligence-des.html) nous allons aborder dans le deuxième billet l’épineuse question du processus décisionnel du chef politique en Afrique francophone en temps de crise, en clair les outils d’aide au processus décisionnel du chef en temps de crise.


Comment décider et quelles décisions en temps de crise ? 
                     Outils de réflexion à l'usage des décideurs francophones                                      

Par Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique
En Afrique francophone, les années 60, 70 et 80 ont été marquées par le problème de la « stabilité politique », c’était l’ère des dinosaures, des dictateurs éclairés : le changement  était mal perçu car, l’inconnu faisait peur aux intérêts français. Cependant cette obligation de stabilité commençait à souffrir face au communisme de mouvement (http://ppassy.blogspot.fr/2012/08/intelligence-des-crises-et-crise-des.htmlqui devenait le seul dénominateur commun des peuples dans un monde marqué par un rythme d'innovations technologiques jamais connu. 

Les années 1990 semblent imposer un nouveau défi aux exécutifs africains francophones: une accélération de l’emploi du préfixe "multi" qui s’accouple bien ces derniers temps avec le mot : crise. 

De multiples crises survenues sous la forme d’accidents majeurs, menaces globales, ruptures organisationnelles, effondrements de systèmes, éclatements culturels, qui sont donc venues briser la zone de confort des intérêts français, dérégler les stabilités politiques. Comme un réactif dans un laboratoire, les crises mettent en lumière les régimes forts et stables dits « gruyères » c’est-à-dire malgré le silence des peuples et le calme apparent, les crises mettent à nue toutes les lourdes faiblesses structurelles, organisationnelles et fonctionnelles des exécutifs africains. Depuis 25 ans en Afrique francophone, les crises surviennent avec une régularité qui confirme les évidences, elles viennent soumettre à rude épreuve tous les intéressés, et en premier lieu les responsables. 

En 2012, l'on atteint un degré de complexité dans la conduite des sociétés humaines propre à faire douter de la possibilité même d'une gestion stratégique des crises en Afrique francophone. La crise malienne est le miroir de nos insuffisances face à la gestion des complexités. La situation tunisienne nous a rappelé que dans cet univers général d'incertitude et de vulnérabilité, un simple fait, une menace, une rumeur, un simple suicide d’un vendeur à la sauvette mal évalué et l'on se trouve brutalement projeté dans ce qui apparaît bien de "l'ingérable".

Henry Kissinger: l'échec du fait d'un questionnement insuffisant (guerre au Moyen-Orient, 6 octobre 1973)
"Le 5 octobre au plus tard, lorsque nous fûmes avertis du fait que l'Union soviétique évacuait ses ressortissants résidant au Moyen-Orient, nous aurions dû savoir que de grands évènements étaient imminents. Nous avions accepté sans esprit critique les appréciations israéliennes selon lesquelles il s'agissait soit d'une «crise dans les relations entre l'Égypte et la Syrie», soit d'une «estimation des Soviétiques sur la possibilité de l'ouverture d'hostilités au Moyen-Orient». 
Mais le seul danger d'hostilités prévu par nous résidait dans «le cycle des actions et des représailles», chacun craignant que l'adversaire ne soit sur le point de passer à l'attaque. Certes, il y avait des questions qui ne demandaient qu'à être posées pour nous conduire au cœur du sujet. Mais personne ne les posa, pas même moi, et c'est ce qui semble rétrospectivement inexplicable.( http://ppassy.blogspot.fr/2012/08/intelligence-des-crises-et-crise-des.html

Quelle crise pouvait survenir dans les relations soviéto-arabes impliquant simultanément l'Égypte et la Syrie ? 
  • Pourquoi les Soviétiques évacuaient-ils les familles, mais non les conseillers, si la crise était politique ? Pourquoi avaient-ils organisé un pont aérien s'ils n'étaient pas limités par le temps ? 
  • Et cette limite pouvait-elle être autre chose que la date limite fixée pour le début des hostilités ? 
L'hypothèse des Israéliens, selon laquelle les Soviétiques redoutaient peut-être le déclenchement d'une guerre, aurait dû arrêter notre regard.  Car, en y réfléchissant, il nous serait apparu clairement que les Soviétiques ne pourraient craindre une attaque israélienne. Si cela avait été le cas, ils auraient poussé des hauts cris à Washington pour obtenir que nous dissuadions Israël d'agir, et ils y auraient peut-être ajouté des menaces publiques. Si les Soviétiques évacuaient les familles parce qu'ils craignaient une guerre, ils devaient bien se douter que celle-ci serait déclenchée par les Arabes.
Les responsables politiques ne peuvent s'abriter derrière leurs analystes quand ils n'ont pas compris l'essentiel d'une affaire. Ils ne peuvent jamais avoir tous les faits en leur possession, mais ils ont le devoir de poser les questions adéquates. Tel fut notre véritable échec, en cette vieille guerre au Moyen-Orient. Nous en étions venus à trop de complaisance envers nos propres présomptions. Nous savions tout, mais nous ne comprenions pas suffisamment les faits. Et c'est aux plus hautes autorités  y compris moi-même qu'incombe la responsabilité de cette erreur 1."

L’épineuse question du processus décisionnel du chef en temps de crise
L'objectif est donc de s'adresser à un décideur politique aux prises avec une situation des plus difficiles, nécessitant au tout premier chef, non une trousse de secours, mais la meilleure faculté de jugement. Cela implique non pas tant de fournir des réponses que d'ouvrir des questionnements, d'élargir des horizons, tout en encadrant les réflexions pour aller au-delà du simple constat des difficultés. Alors, mais alors seulement, il devient possible de penser à des réponses stratégiques aux éruptions que constituent les crises. 

Dès la publication du premier billet, de nombreuses demandes me sont parvenues pour que je m’engage résolument dans la voie opérationnelle et que je fournisse les règles essentielles de la gestion d'une crise en contexte francophone, en ce qui concerne les situations de rupture venant menacer une organisation. 
Beaucoup de hauts responsables souffrent en effet, de façon souvent aiguë, du manque d'outil d'aide à la décision pour ces circonstances exceptionnelles. Elles sont précisément parmi les plus difficiles, les plus risquées pour tous les investissements consentis par le passé et les plus engageantes pour l'avenir.
Le présent billet vise précisément à répondre à cette attente. Tout en poursuivant le travail de compréhension en profondeur du phénomène de crise, indispensable à toute construction stratégique, il est résolument orienté vers l'action. Il prend de front la question : 
  • que doit savoir un responsable politique confronté à une crise majeure, comment peut-il appréhender pareille situation ?
Toute organisation peut-être confrontée à une crise. Tout responsable, peut être projeté dans des phénomènes de ruptures brutales et de turbulences particulièrement déstabilisantes, liés aux causes les plus diverses. C'est alors le désarroi : l'urgence est là, mais outils et leviers ne fonctionnent plus, l'univers de référence se désagrège. La "chose" est là, en vraie grandeur ou, pire encore peut-être, à l'état de spectre sinistre. C'est immédiatement le choc et une sourde angoisse : 
  • que se passe-t-il donc ? 
On ne comprend pas, on reste incapable de nommer la difficulté, de cerner le problème. De toute part, ce ne sont que amoncellement des données brutes et rapides, menaces, morts, replis, échecs, mauvaises nouvelles, anarco-profito-situationnistes, rebondissements aggravants; rien ne marche, tout se détériore…! Une question semble bientôt résumer les sentiments des acteurs en première ligne : "Mais qu'est-ce qui va encore nous tomber dessus ? ".
A l'évidence, on ne se trouve pas face à une défaillance habituelle; il ne s'agit plus d'une simple brèche. Le tableau de bord habituel apparaît inopérant : aiguilles bloquées au maximum sur maints cadrans, indications trompeuses, mesures sans signification.
Très vite, le dirigeant perçoit que chacun de ses membres du gouvernement se tourne vers lui : 
  • Que faire CHEF ? 
Ou plutôt : 
  • quel sens donner à tout cela Chef ?
  • Quels nouveaux points de repères pour l'action ?
  • Comment lire la situation ?
Le questionnement est pourtant la dernière des exigences que le responsable pris dans l'action sera disposé à respecter. L'incertain, la complexité, le danger, l'urgence portent à la fermeture des questions et/ou repli . Or, on ne pourra rien faire de pertinent en crise sans compréhension des ressorts profonds de la dynamique des événements.  

Il faut s'interroger sur sa véritable identité, sur ce qu'elle peut réserver comme surprises. 

Pourquoi ne pas accepter de se laisser rassurer (c’est la tendance lourde des courtisans, tout va bien chef…) ou emporter par les péripéties sans poser encore et toujours des questions éprouvantes (c’est le point faible des éternels consensuels) ? 
  1. Pourquoi ne pas en rester aux apparences ? 
  2. Quelles sont les lames de fond successives qui risquent de venir se jeter sur nos défenses ?
  3. Quels phénomènes peuvent brutalement se cristalliser et accentuer cette dynamique de crise ? 
  4. Quels pièges peuvent se refermer sur nous ? 
  5. Dans quelles impasses risquons-nous de nous enfermer ?
  6. Quelle est donc la situation du chef en cas de crise ?
Situation awareness du chef politique en Afrique francophone en temps de crise

Phase 1 : Les composantes de la vision globale du chef en cas de crise

Phase 2 : Situation Awareness : perception des éléments de l'environnement au sein d'un volume limité dans le temps et l'espace, la compréhension de leur signification et la projection de leur devenir à court terme

Tous les regards se tournent vers le chef : que faire ?



Nous allons traiter de la démarche à suivre :
- pour mettre en place les outils de compréhension
- le moment de la gestion des décisions
- la mise en route du tempo de la crise

La gestion des incidents et la maîtrise du tempo de la crise

Les points clés
  1. L’environnement décisionnel du chef est marqué par le caractère inter-opérationnel des opérations ainsi que des interventions. 
  2. Ceci impose une organisation de synchronisation robuste, or les déficiences structurelles et organisationnelles de l’État en Afrique francophone font cohabiter plusieurs temps dans l’espace de décision du chef. Ce qui l’oblige à se retrouver physiquement dans les structures de gestion physique de la crise et de piloter généralement le comité interministériel de crises. 
  3. Ces différents cycles vont être articulés selon le principe OOAD (observation, orientation, décision, action), normalement à échéances distinctes (du constat en passant par la maîtrise du renseignement, l’organisation de la réponse à l’appareil de solutions à dérouler) en respectant le « battle rythm ».
  4. Le moyen terme opératif va impliquer, pour le chef, la mise en liaison dans la chaîne de commandement et d’exécution les niveaux politiques, stratégiques, les structures dédiées des opérations et les équipes de planification et d’évaluation. Elles préparent l’opération ainsi que ses principales phases puis en mesurent son avancement
  5. L’ajustement séquentiel nécessite grâce à l’anticipation des plans subalternes. Appelés « sequel plans », ils doivent répondre aux possibilités de succès ou d’échecs plus ou moins relatifs des mesures en cours d’application. Or la réactivité et l’ajustement sont souvent les plaies profondes dans la maîtrise du temps de la crise.
  6. Le pilotage implique le changement ou l’infléchissement des décisions de planification en fonction de l’appréciation de l’efficacité des opérations en cours.
  7. La gestion des incidents jaillit en élément surprise. implique le changement ou l'infléchissement des décisions de planification en fonction de l'appréciation d'efficacité des opérations en cours. La gestion des incidents est une composante de l’efficacité de la conduite de la gestion de crise. Elle requiert des mesures d'ajustement immédiates se traduisant par des ordres fragmentaires. Cependant, sans synchronisation robuste au niveau de l'organisation il va y avoir une chaîne de dysfonctionnement source de lenteur, tension, mauvaise communication et mégestion.
  8. Les boucles décisionnelles courtes, structurées par les chasseurs de budget, les anarco-profito-situationnistes, les conflits d'intérêts et de rôles, le non respect ou l'absence de procédures dans la conduite de la gestion de crise, perturbent les rendez-vous sur objectifs (RVO) nécessaires synchronisés entre les différentes composantes de l'ANMC ou de la situation awareness du Chef (SAC). Le choix de "battle rythm" est donc essentiel pour l'efficacité de la coordination opérative puisque plusieurs boucles "tournent" simultanément. 
On comprend bien alors la difficulté du chef de se construire sa propre "Situation Awareness" au milieu du "bruit" généré par ces différents cycles de décisions
Autre facteur de complexité, les dimensions de conflits d'intérêts internes qui avec les pressions internationales sont multiples et lourdes. 
Car en période de crise, la conduite de crise s'exécute sur de multiples fronts : médias, populations, recherche de financement, contre espionnage, etc...

Le cycle décisionnel en pleine crise : outils d'aide à l'exécution
Que reste-t-il au Chef en cas de crise ?

Karl Philip Gottfried von Clausewitz (1780-1831) est un officier et théoricien militaire prussien. Il est l'auteur d'un traité majeur de stratégie militaire : De la guerre. (que je recommande à tous les férus de stratégie à lire) P.74 "Pour sortir victorieux de cette lutte incessante avec l'inconnu, il faut à l'esprit deux qualités indispensables.
  • La première est ce que les africains appellent par métaphore "la foi en Jésus", c'est une lumière intérieure qui, dans cette obscurité même, éclaire encore assez l'intelligence pour lui permettre de découvrir quelques vestiges de la voie qui doit conduire à la vérité. 
  • La seconde est l'esprit de résolution qui donne le courage de se laisser guider par cette faible lueur"
Pour nous, quelques soient les événements et les situations, une nécessité apparaît en effet pour le Chef : 
  • l'aptitude à la lecture réelle des événements 
  • la capacité de donner du sens aux indicateurs complexes de la vie politique et des circonstances.
Ce n'est vraisemblablement pas l'ingérence tactique (exemple: les combines) qui permet d'inscrire la décision dans la meilleure perspective. Il s'agit davantage de patienter pour que les capteurs nationaux (privé et public) et ensuite les boucles d'analyse compétentes et associées, permettent une coordination opérative du chef.
  • Le réflexe du mensonge d'Etat est passé de mode en 2012, la communication d'influence est le meilleur support pour une adhésion de la population aux actions entreprises 
  • Gare à l'inaction politique ou à la mauvaise évaluation des signaux faibles (le cas de la Tunisie est devenu un cas d'école, dans l'analyse des signaux faibles annonciateurs de crise). La conséquence en cas d'oubli ou de manque de réactivité est le risque encouru : "ceux d'en face" (l'opposition) va exploiter avec une virulence à peine descriptible, tout manquement, et la violence d'Etat  ne suffit pour réduire au silence un peuple en 2012. 
  • La prise de risque du chef doit être judicieuse, car les Anarco-profito-situationniste, ainsi que les chasseurs de budget  aiment  bien profiter des circonstances pour orienter les décisions du Chef dans un sens onéreux pour la République. 
  • Le travail de coalition en temps de crise, fondé sur le consensus en Afrique francophone est souvent un facteur lourd de frictions dans les comités interministériels (manque de maturité intellectuelle et politique, collision d'intérêts divers et multiples, pauvreté des vues et des solutions, etc...), en cause l'absence de procédures. Or, l'urgence d'une crise, impose dans son règlement, la mise en place de procédures robustes
  • Nous proposons la mise en place de Procédures Opérationnelles Standard de Crise "POSC" qui doivent être définie par l'ANMC lors du montage des structures de gestion, coordination, évaluation de crises. Sur le plan international en cas de crise, il est nécessaire de prévoir un circuit décisionnel de crise capable de cohabiter avec les structures d'aide humanitaire, ou des structures d'intervention militaire française. Généralement ces structures dépossèdent nos structures fautes de compétence, de méthode et de procédure. Il est temps d'apporter les ajustements utiles et nécessaires aux intérêts supérieurs de l'Etat.
La crise attend donc du chef dans sa décision : l'humilité, la rusticité, la maturité, la maîtrise de soi, une excellente capacité de jugement affiné, un esprit de résolution,  la résilience, la "foi en Jésus".
Par Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique
Ancien conseiller de Premier Ministre

mercredi 10 octobre 2012

GESTION DE CRISES ET INTELLIGENCE DES CRISES en RD-CONGO


Par Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique
Les pays d’Afrique francophone ont plusieurs points communs (la langue, la monnaie (sauf la RDC), la pauvreté, les richesses minières, etc…), mais il y en a un point que la mondialisation met fortement en lumière, depuis plus de 15 ans, pas tout le temps heureusement, cependant, avec assez de violence pour que tout le monde s’en aperçoive. Je veux parler des lacunes dans le management des crises lorsqu’elles surviennent. 
Depuis 2 ans des crises sont survenues dans plusieurs pays d’Afrique francophone :
  1. Gabon (crise post-électorale)
  2. Mali (crise politique, crise de confiance)
  3. Sénégal (crise pré-électorale)
  4. Côte d’Ivoire (pré-électorale, électorale, post-électorale)
  5. Congo-Brazzaville (crise humanitaire)
  6. RD-Congo (crise post-électorale et politique)
  7. Togo (crise politique, crise d’image, crise de confiance)
  8. Cameroun (crise d’image, crise de confiance)
La puissante faiblesse des pays de la zone franc vient du fait que, malgré la récurrence des crises et des urgences, ces pays n’ont pas été capables de capitaliser l’expérience des crises antérieures. Ils ne disposent pas d’installations et des processus leur permettant de gérer différents types de crises. A ce jour, 54 ans après les indépendances, aucune organisation sous-régionale de management des crises et pire, aucune agence nationale de management de crises n'ont été mises en place. Nous avons des comités interministériels de crise, c’est-à-dire des structures éphémères par nature, truffées de chasseurs de budgets, à la place de réelles compétences pour des solutions durables. 

Cas concret
La République Démocratique du Congo


1990-2020 - De la déficience actuelle à l’efficience de la réponse politique dans la gestion des crises en République Démocratique du Congo
depuis les années 1990, nombreuses sont les autorités politiques et militaires qui ont mené des réflexions approfondies sur la gestion des crises auxquelles notre pays a été confronté. D’une façon unanime, ces travaux mettent en exergue des dysfonctionnements majeurs dans notre façon de les appréhender. Ils y répondent par des propositions dont la mollesse n’a pas conduit à l’établissement par la Présidence et/ou la Primature d’une Agence Nationale de Management de crises. La récurrence ainsi que la dangerosité des crises actuelles recommandent de manière impérieuse sa création en 2014.

Ce billet est un retour d’expérience personnel au coeur de l'Etat, enrichi par mes derniers engagements internationaux. En l’absence de décisions fortes en mesure de faire évoluer la conception nationale du management des crises au Congo, il n’est pas étonnant que les carences constatées depuis la 2ème République soient toujours présentes. Elles touchent avec plus ou moins d’acuité l’ensemble des phases de gestion des crises intérieures congolaises.
Ce premier billet sur la gestion des crises et l’intelligence des crises congolaises se fera en deux volets : après avoir analysé les différents aspects de la gestion des crises et repris les dysfonctionnements les plus critiques, l’étude ci-après permettra d’extraire des considérations générales et, autant que possible, des recommandations. 

Le deuxième billet abordera l’épineuse question du processus décisionnel du chef en temps de crise, en clair les outils d’aide au processus décisionnel du chef en temps de crise.

1990 -2020 : De l’état gestionnaire des crises à l’État stratège en management des crises 

Les protagonistes de la gestion des crises récentes (quinze dernières années) soulignent  une faiblesse de définition voire une absence des objectifs politico-militaires visés, des options stratégiques suivies ou de l’état final recherché (EFR) par le pays. Selon certains décideurs, elles semblent être le fruit d’une absence de réflexion conceptuelle et d’un retour d’expériences mal synthétisé au niveau interministériel.



Les conséquences s’en ressentent à tous les échelons de la gestion de crise en RDC.
  • Au niveau stratégique, elles génèrent  un manque de théorisation et un déficit méthodologique. 
  • Au niveau opératif, elles conduisent à un emploi sous-optimisé des instruments de gestion, à une responsabilisation et une coordination incertaines des acteurs politiques, administratifs, militaires ou privés, et à un  déroulement aléatoire des différentes phases de la crise.
Cette situation est fréquemment expliquée par :
  1. l’intérêt plus marqué du pouvoir politique pour le court terme et sa moindre sensibilité pour la prévention et la planification froide,
  2. une surcharge d’activités du Premier ministre, incapable de consacrer le temps nécessaire à une réflexion conceptuelle aboutie dans ce domaine,
  3. les effets d’un pouvoir ministériel plus tourné vers l’action politique, les enjeux liés à leur  maintien au poste, que vers la gestion des administrations qui se replient sur elles-mêmes,
  4. signalons tout de même, que la valorisation des cabinets politiques au cours de la 2ème République pour des raisons politiciennes, au détriment de l’administration a fait de la fonction publique un simple support administratif au lieu d’être un outil stratégique de gestion de crise.
  5. une trop grande vassalisation de l’administratif au politique rend difficile toute cohabitation des compétences et des périmètres d’intérêts professionnels, il n’est donc pas étonnant de voir des conflits d’intérêts débouchant sur un cloisonnement exagéré et parfois caricatural des administrations qui s’affranchissent bien souvent des considérations étrangères à leur ministère. 
Conséquences immédiates en cas de crise


Le processus décisionnel du chef de l’État en cas de crise en souffre beaucoup, c’est-à-dire que, si l’exploitation efficace des données brutes nécessite un temps décisionnel incompressible, dans ce cas, les boucles décisionnelles doivent absolument être courtes, même si, comme nous le savons tous, sur le plan opérationnel, plusieurs temps cohabitent dans l’espace de la décision du chef. Or, dans la gestion politique des crises congolaises, la circulation de l’information interministérielle ascendante et descendante est prisonnière des conflits d’intérêts et de rôles. Du coup, la cohérence de l’action gouvernementale devient moins robuste, sa communication politique réactive et non active.
Ces  insuffisances politique et stratégique en matière de gestion de crise nuisent gravement à la capacité d’influence de la RDC, lors d’une crise à dimension sous-régionale, et produisent sur le terrain depuis une dizaine d’années des effets contraires aux intérêts premiers de l’État. Le cloisonnement des structures congolaises, la faiblesse des moyens, des structures, le manque de plus en plus évident de nouvelles compétences dans la gestion des complexités mondiales, l’absence de doctrine de puissance sous régionale, les conflits d’intérêts et de rôles ainsi que les déficiences organisationnelles en sont les raisons majeures.

Le déficit de concentration interministérielle en cas de crise majeure


La conduite des actions ou le déroulement des activités souffrent donc d’un déficit de concertation interministérielle dans les fonctions “veille stratégique” et “prévention et règlement des crises”. Si de « nombreux capteurs » permettent au chef de disposer d’une  riche matière première en termes de renseignement et d’information, son exploitation bute sur trois difficultés essentielles.

En premier lieu, force est de constater  une insuffisance du pilotage général de la fonction renseignement au niveau stratégique. J’ai bien dit au niveau stratégique, pas opérationnel. Ce déficit se traduit dans la réalité par l’inexistence d’un comité interministériel du renseignement depuis 54 ans. 

En second lieu, la circulation ministérielle et interministérielle de l’information est pour le moins lacunaire dans cet immense pays. L’information n’est pas encore perçue comme un outil de travail, ni de collaboration, mais par rapport au chef, un outil de pouvoir, et le mettre à la disposition de tous  serait une perte de pilotage de sa structure, d’où la fréquence de la "rétention-diffusion de l’information. D'ailleurs, à ce propos, un comité interministériel pour l'information ne serait pas une mauvaise chose afin de faciliter la circulation de l'information interministérielle ascendante et descendante.
Ce cloisonnement disais-je, est aussi bien :
  • structurel  (hétérogénéité des capteurs, conflits d’intérêts, zèle des courtisans), 
  • culturel (défense des pré-carrés, défense des intérêts provinciaux et ethniques, estimation erronée de la confidentialité, gestion malhabile du secret) 
  • que technique (manque d’interopérabilité des systèmes d’information et de commandement SIC), rend improbable la synthèse du renseignement et souvent son inexploitation, la capitalisation des expériences et des connaissances, le développement d’une mémoire des situations.
Mais techniquement le handicap le plus lourd est le suivant : le retour d’information sur l’utilisation du renseignement recueilli est "non procédurale" et ne permet pas aux services concernés de mesurer la qualité de leur production et de réorienter leurs recherches.

Enfin, il faut regretter l’absence d’un outil stratégique qui permette de transformer les informations (politiques, militaires, économiques, humaines, etc.) recueillies par les différents services de renseignement en scenarii évènementiels probables, même si certains services des ministères produisent des éléments en ce sens. L’inexistence de cet outil de synthèse nationale géopolitique (SNG) voire de simulation de situations conduit à la dégénération et à la perte de valeur du renseignement.
Les carences de la veille stratégique et de l’exploitation du renseignement au plus haut niveau de l’État nuisent à la prise de décision en période de crise. Elles concourent directement au manque de lisibilité des orientations politiques et ne permettent pas d’établir une base solide à la coopération sous régionale et de collaboration interministérielle.

Pour éviter les amalgames, une précision. 

Qu'est-ce que le renseignement, quel est son rôle ? 

Pour bien comprendre ce principe, reprenons les définitions officielles du 
glossaire de l’OTAN : l’information est la matière non encore traitée qui peut servir à l’obtention du renseignement. Par essence, ce sont des données brutes. 
Le renseignement, quant à lui, consiste donc dans le produit du traitement des données brutes. Le rôle d’un service de renseignement est donc de traiter de l’information, il diffère en cela totalement d'un service d'espionnage par exemple. 

Pourquoi cette distinction est-elle si importante ? 


Toute personne qui a déjà surfé sur le web sait certainement que l’information parcellaire qui y est diffusée n’est pas toujours fiable. En outre, même si cette information est de qualité, elle peut s’avérer non pertinente pour gérer un problème particulier. Or, les décideurs ont besoin de connaissances spécifiques dans leur domaine de responsabilité afin de prendre leurs décisions en connaissance de cause. Mais, les renseignements, sur lesquels ils reposent leurs décisions, doivent être fiables. Le processus d'intelligence économique pour le décideur se décrit dès lors comme suit : collecte d’informations d’origines différentes, tri et recoupement des données brutes, dégagement des bonnes conclusions et enfin, communication des résultats fiables et à haute valeur ajoutée aux décideurs. 


L'Intelligence Economique va donc être, en fait, que la mise en œuvre d’un 
processus permettant d’obtenir et de disposer des outils d'aide à la décision stratégique du décideur économique, politique, technique, financier... On continue...

Management de la crise, organisation, acteurs

Les principales faiblesses dans la conduite des crises découlent logiquement de l’imprécision du cadre conceptuel décrit précédemment. En outre, le manque de clarification des responsabilités entraîne inévitablement une difficulté d’identification des acteurs concernés par la crise.

Par ailleurs, l’absence d’un pilotage interministériel robuste (du fait du jeu politique généralement) capable d’assurer la cohérence globale de l’action de chaque ministère, puis de chaque administration ajoute un sentiment de confusion. 
Jusqu’à présent, cette  carence du management des crises n’a pas été pénalisante lors des crises intérieures car, le chef de l’État dispose pour les résoudre, d’une organisation plus structurée et d’un ultime rempart de cohérence représenté par un "noyau dur", sur qui repose souvent une bonne partie de la coordination interministérielle, mais cette surcharge de travail, de pression, et d’émotion peut être allégée. 

La pagaille des sorties de crise

En revanche,  les phases de sortie de crise soulignent âprement ces déficiences. Ces périodes critiques pour la normalisation de la situation, voient souvent surgir de nombreux intervenants étatiques, non gouvernementaux ou privés dont le périmètre des actions et les méthodes spécifiques entrent en concurrence. Le management des crises souffre donc d’une coordination interministérielle structurellement défaillante, que pallient souvent heureusement, mais partiellement, les capacités d’adaptation et d’imagination des acteurs du terrain.

Les phases post-crise requièrent un pilotage centralisé précis et directif capable de mettre en cohérence toutes les énergies individuelles. Ce pilotage doit être conduit au plus tôt dans la crise, c’est-à-dire dès la planification froide et au plus tard lors de la phase de coercition ou de maîtrise de la violence, et doit être intimement associé à sa conduite opérationnelle. Ce besoin est d’autant plus fort qu’il faut bien  constater l’absence au Congo, d’un instrument opérationnel unique de gestion de la coopération et du développement  en mesure de mobiliser l’expertise publique et privée en la matière. Celle-ci existe mais peine à se faire entendre. 

C’est pourquoi nous proposons la création d’une Agence Nationale de Management des Crises (ANMC).  

Elle fera l’objet de développement dans le volet 2 de mon analyse.
La dispersion des acteurs dans la conduite des actions et des activités, le manque de discipline budgétaire, le manque de cohérence dans le processus décisionnel, les lacunes relevées dans l’intelligence et la gestion des crises étalent les limites des acteurs concernés. A cela s’ajoute le manque actuel de coordination générale, l’absence de procédures rigoureuses qui nuit aussi bien au rétablissement définitif de la paix dans la zone en souffrance qu’à la qualité des initiatives de relance économique et sociétale. Oui, nous savons tous que, seul le redémarrage de l’économie, avec ses capacités d’emploi des belligérants, est en mesure d’accélérer le rétablissement d’un État de droit et de paix. 

Malgré les nombreux efforts consentis par l’État congolais et les multiples réussites dans la gestion de certaines crises, ne l’oublions surtout pas, le gouvernement congolais ne tire pas les bénéfices de ces actions souvent importantes et coûteuses sur le terrain.  En cause principalement, une communication politique défensive et un marketing politique du président et du gouvernement déficients.

Résultat: ces actions manquent d’éclats et d’impact dans l’opinion tant nationale qu’internationale. 
Vous savez certainement qu’à partir de la phase de stabilisation d’une crise, les déficiences en termes de coordination conduisent à des dépenses aussi lourdes qu’improductives. 
Pour résoudre, au moins en partie, les faiblesses relevées dans la gestion des crises, il est indispensable de mettre en œuvre un certain nombre de réformes qui suivent une logique unique, faire des crises congolaises des opportunités politiques et des accélérateurs de décisions certes impopulaires, mais juste et utile à la nation congolaise.

Que proposons nous ?
I - Désigner un haut représentant pour la gestion de crise (HRGC), placé directement auprès du Premier ministre en charge de l’Agence Nationale de Management des crises.
  • II aurait rang ministériel et ses pouvoirs administratifs lui permettraient d’engager l’État dans l’emploi des moyens humains et financiers, ou de les solliciter auprès de la communauté internationale.
  • Il serait désigné comme le représentant national dans le périmètre de la ou des crises concernées.
  • Il serait chargé de formaliser les objectifs politiques et stratégiques du Congo, en relation avec les plus hautes autorités gouvernementales.
  • Il assurerait le rôle de porte-parole du gouvernement et coordonnerait la communication afférente à la crise en relation avec le porte-parole du gouvernement en charge de l’information.
II - Développer au sein de l’ANMAC, la notion de Direction interministérielle de gestion de crise (DIGC), chargé du pilotage stratégique de la crise. Il serait dirigé par le HRGC qui y figurerait comme le membre principal.
  • Il serait composé d’experts de haut niveau issus des différentes administrations au nom desquelles ils pourraient s’engager. Quatre ministères seraient systématiquement représentés : ministère des finances, ministère des affaires étrangères, ministère de la défense, ministère de l’intérieur. D’autres pourraient être représentés en fonction du thème et de la connotation intérieure ou internationale de la crise comme les ministères du Budget, de l’équipement ou de la santé. Ces experts pourraient, par exemple, être recrutés parmi les Hauts fonctionnaires de la fonction publique.
Ces derniers devraient s’associer, en cas de besoin, à des responsables économiques, associatifs (associations humanitaires et caritatives, ONG, fondations) et religieux.
Le DIGC aurait pour missions :
  • d’élaborer la doctrine CONGOLAISE en matière de gestion des crises, en cohérence avec les ambitions politiques du gouvernement, les moyens de l'Etat, la réalité économique et nos spécificités socioculturelles,
  • de structurer pour la sous-région la doctrine d’influence congolaise 
  • d’orienter l’action des administrations dans le périmètre de la crise et dans les limites des capacités financières et humaines du pays,
  • de piloter ou de coordonner au niveau stratégique l’action des différents services congolais engagés, qu’ils soient étatiques, non gouvernementaux ou privés.
III - Désigner, pour chaque crise, une administration “menante” (ADM), sous tutelle fonctionnelle de l'Agence Nationale de Management des Crises et chargée du pilotage opérationnel de la crise.
  • L’administration « menante » serait désignée par le Premier ministre en fonction du thème de la crise. 
  • Elle s’appuierait sur le "noyau dur" (NDPR) de conduite opérationnelle de la crise renforcé par les cadres des administrations concernées par la dite crise, sans oublier d'associer les conseillers des cabinets politiques.
Mettre en place un secrétariat permanent et unique de gestion de crise (SGC).  Placé au sein Agence Nationale de Management des crises, il sera chargé :
  • de conseiller le HRGC et le DIGC dans l’élaboration de la doctrine du Congo en matière de gestion de crise ;
  • assurerait les fonctions “prévention” et “veille stratégique” grâce à un organisme développé à partir de la DIGC;
  • assurerait un rôle de coordonnateur et de fédérateur de l’effort général de la circulation de l'information gouvernementale en temps de crise;
  • fédérerait les systèmes de gestion et de circulation de l'information gouvernementale et du renseignement en temps de crise;
  • disposerait d’un outil de scénarisation et de simulation des crises.
Pour conclure, quelques recommandations

Aux imprécisions d’ordre politique ou organisationnelles, s’ajoutent souvent  des phénomènes culturels et des particularismes ministériels qui perturbent le management des crises au Congo. Il est commun de dire que les ministres sont jaloux de leurs prérogatives, peu enclins à en abandonner une partie et soucieux de préserver le renseignement dont ils disposent. Mais au-delà de ces logiques de pré-carré qui prévalent souvent sur celles de la politique globale, ce sont  des différences conceptuelles parfois profondes qui distinguent les acteurs de la gestion de crise. Ainsi, les notions mêmes d'information, de crise, d’action, de décision, de réactivité varient selon les milieux et ne s’inscrivent pas toujours sur les mêmes échelles temporelles. Or le temps de la décision en période de crise est incompressible. Mais ça, les chasseurs de budget l'ignorent totalement.

Pour réduire ces fractures culturelles, il semble indispensable de développer les initiatives interministérielles suivantes.
  1. Former les acteurs, ministériels ou non, sur le management des crises, la définition du périmètre des intérêts stratégiques de l'Etat, l'Intelligence Economique...
  2. Préparer ces acteurs lors d’exercices de simulation interministériels communs
  3. Améliorer l’interopérabilité des différentes structures de l’État pour en diminuer l’étanchéité
  4. Renforcer le rôle et la place de l'administration dans les cabinets ministériels
Nous sommes à votre écoute pour toute réponse technique utile


Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique
patrice.passy@hotmail.fr



mercredi 3 octobre 2012


Objet : Changement de dénomination sociale


Madame, Monsieur, cher client


M.I.Q Conseil a changé de dénomination sociale.

Je vous remercie de prendre note que ma société utilisera désormais le nom commercial de DB CONSEILS en lieu et place de M.I.Q CONSEIL.

Je vous prie de bien vouloir agréer, Madame, Monsieur, cher Client l'expression de mes salutations les meilleures