vendredi 13 avril 2012

Quel est le classement de l’homo africanus dans l'inconscient collectif français en 2012 ? Quelle est sa place dans la culture populaire française en cette période électorale ?


INTELLIGENCE POLITIQUE ET INTELLIGENCE CULTURELLE

Par Patrice PASSY
Conseil en gestion des problématiques interculturelles
patrice.passy@hotmail.fr 
 
L'inconscient collectif est un concept de la psychologie analytique qui s'attache à désigner les fonctionnements humains liés à l'imaginaire et qui sont communs ou partagés quels que soient les époques et les lieux, et qui influencent et conditionnent les représentations individuelles et collectives. Selon le psychiatre suisse Carl Gustav Jung (1875–1961), créateur du concept, l'inconscient collectif constitue « une condition ou une base de la psyché en soi, condition omniprésente, immuable, identique à elle-même en tous lieux »
 
La classification : un effet du raisonnement à la française.
 
Le droit d’inventaire que nous forgeons est une exigence des peuples qui arrive à notre perception par sa propre lumière et indépendamment de ce que la machine française à idées nous oblige à dire, faire et croire. Le droit d’inventaire en l’occurrence, est un processus inscrit dans l’évolution des rapports franco-africains qui arrive à maturité. Le solde global de la relation franco-africaine est très positif pour la France et négatif pour l’Afrique et ce n’est pas un scoop. L’Etat de la compétitivité de la zone Franc nous informe que l’Afrique francophone est abonnée aux dernières places dans la compétitivité mondiale. Cela n’a rien d’étonnant car, dès 1958, notre Afrique avait un classement bien précis, une utilité bien définie, une nécessité bien circonscrite, un espace bien délimité. Entre la France et ses ex-colonies, la place des « noirs » dans les hautes sphères de l’Etat était toute désignée : Inexistante ou derrière la porte du savoir et de l’avenir.
Un soir, le Général tint ces propos à Jacques Foccart, alors Secrétaire général de l'Élysée et…bâtisseur des réseaux français en Afrique :
« Vous savez, cela suffit comme cela avec vos Nègres, vous me gagnez à la main : alors, on ne voit plus qu’eux. Il y a des Nègres à l’Élysée tous les jours, vous me les faites recevoir, vous me les faites inviter à déjeuner. Je suis entouré de Nègres ici (…) Cela fait très mauvais effet à l’extérieur. On ne voit que des Nègres tous les jours à l’Élysée. Et puis je vous assure que c’est sans intérêt. » 
 
Cette Afrique-là, ces gens-là comme on le dit avec mépris en France pour désigner le berceau de l’humanité, a été tout bonnement classée, divisée, tout bêtement étiquetée, et intelligemment normée selon les critères français qui définissaient le normal en toute chose.
 
En ce cinquantième anniversaire de la Ve République, cette classification comme un réactif dans un laboratoire, révèle ses nombreux dégâts sur les consciences collectives française et africaine, elle n’a plus lieu d’être et ne  convient plus à quiconque. De manière consciente, cette classification ouvrait dans plusieurs domaines, l’espace des choix de domination coloniale. Elle donnait libre cours aux modalités de la décolonisation. Classée (par les sciences et les sociétés savantes) puis normée (code noir, le code de l’indigénat, la zone franc…), la classification française de l’homme africain a permit aussi en amont l’orientation et le contrôle des assujettissements nécessaires à la civilisation des « peuples barbares ». 
Nous, africains, avons toujours été classés sauvages, certains philosophes comme Hegel et Voltaire ont véhiculé des idées reprises jusqu’au sommet de l’Etat en 2007. Le discours de Dakar est une allocution prononcée par le président de la République française, Nicolas Sarkozy, le 26 juillet 2007, à l'Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar (Sénégal), devant des étudiants, des enseignants et des personnalités politiques.D'une durée de 50 minutes, le discours de Nicolas Sarkozy est rédigé par son conseiller Henri Guaino. Le président français déclare notamment que la colonisation fut une faute tout en estimant que le « drame de l'Afrique » vient du fait que « l'homme africain n'est pas assez entré dans l'Histoire. […] Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. […] Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine ni pour l'idée de progrès ».
 
Ernest Renan. "La nature a fait une race d'ouvriers. C'est la race chinoise d'une dextérité de main merveilleuse, sans presque aucun sentiment d'honneur; gouvernez-la avec justice en prélevant d'elle, pour le bienfait d'un tel gouvernement, un ample douaire au profit de la race conquérante, elle sera satisfaite; une race de travailleurs de la terre, c'est le nègre : soyez pour lui bon et humain, et tout sera dans l'ordre; une race de maîtres et de soldats, c'est la race européenne. Que chacun fasse ce pour quoi il est fait et tout ira bien[i]."
 
La classification française de l’Africain a permis d’épouser les arguments d’Hegel selon lesquels, ce continent n’avait pas développé la culture de la création. Cette lacune créait les conditions d’une inaptitude au développement harmonieux de l’être dans la mondialisation ainsi que de ses économies.
 
La classification : qu’est-ce que c’est en l’espèce ?
 
C’est un effet du raisonnement à la française. L’Afrique a été classée, mesurée, emmurée, déportée, saignée parce que son classement dans l’échelle des valeurs françaises l’avait permis. Elle a été définie, c'est-à-dire une étiquette mise sur le phénomène Afrique et les peuples africains, par voie de conséquence, pas une connaissance exacte du réel africain. 
En effet, cette classification reste au fond prisonnier du préjugé essentialiste, puisqu’elle, perpétue l’idée de la connaissance de notre réalité qui est entièrement dépendante du schéma culturel de pensée français et dont l’imaginaire a toujours été fidèle aux erreurs d’appréciation des explorateurs ainsi que des « amis d’Afrique ».
 
L’Afrique était dans leur esprit constituée de « meubles cessibles » en clair, les africains, des groupes de sous-hommes dont la valeur de la vie et de l’âme dépendait des négriers, d'un code spécial, des colons, et continue à dépendre des multinationales françaises. La preuve aujourd'hui un mort ivoirien, libyen, congolais, malien, tunisien, etc... n’a pas la même valeur qu’un mort français. Ce raisonnement décliné sous le drapeau tricolore de l’universelle affirmative  était nécessaire à la bonne conscience judéo-chrétienne pour prendre sans remords. Tuer sans en être responsable, déposséder sans jamais être le voleur, prendre la vie de l’Autre contre des pacotilles d'indépendance et de souveraineté.
Il est clairement établi que toute classification produit un effet sur les individus classifiés. Sur ce point, il est intéressant de noter que le simple fait de nous classer, puis normer, a beaucoup modifié l’africain, à ce jour de manière consciente et inconsciente, volontaire et involontaire nous étalons à chaque respiration l’étendue des éléments du drame africain… http://ppassy.blogspot.fr/2011/12/2012-le-drame-africain-le-da-la.html.
 
Ridiculisés avec et dans les zoos humains, vendus comme du bétail grâce au code Noir édicté sous Louis XV,  étiquetés par l’image et la parole, affaiblis par l'exploitation violente de l'homme par l'homme, les africains francophones ont toujours été évalués selon les critères français définissant le « normal » et le réel. A travers les époques, les africains et tout ce qui a un rapport avec eux ont été exclus de toute harmonie française. La norme française n'a jamais entendue la norme congolaise, camerounaise, tunisienne, etc...C'est même vexant d’insister sur ça. 
 
La classification française a été en ce sens le foyer de toute permissivité, elle a régenté toute l’esthétique de la violence française à notre égard. Classer, a donc servi à nous façonner, à façonner le regard du français, à distiller dans l’inconscient collectif et l’imaginaire français des préjugés, des clichés à la peau dure, des croyances, sans perdre de vue le mépris profond à la Stephen Smith aux effets dévastateurs hier, aujourd’hui et si l’on y prend pas garde, demain. Et pour la jeunesse africaine demain est devant nous, et ce  présent est notre horizon. 

Je le répète, les africains, selon cette classification seraient incapables de dépassement c’est à dire, de passer d’une culture de la répétition à la culture de la créativité, jusqu’au haut niveau de l’Etat, on l’a pensé, et dit à Dakar en 2007. Le fait même de nous classer nous a rendu amnésique au point de ne plus être capable de sortir de cette salle ce jour là...nous sommes devenus ainsi incapables de répondre aux quatre questions suivantes :        
  1. Qui sommes-nous et où allons-nous ?
  2. Que devons-nous faire ?
  3. C’est quoi le monde africain dans 30 ans pour nous ?
  4. Enfin comment s’organiser pour être et autour de quelle motivation ?
        Nous avons ainsi été déprogrammés de notre programmation historique de base. La classification a donc modifié l’homo-africanus changé sa vision du monde, dilué son énergie dans l’attentisme, décomposé ses valeurs, sa fierté, sa dignité. Elle a rendu paresseux l’africain, avec ses confusions identitaires, pour lui plus rien n’est urgent, fondamental.L’existence est rythmée des contingences devenues indépassables. 
 
       Principalement caractérisée par son aspect mortifère, les travaux forcés lors de la colonisation et les  razzias dans les villages pour soumettre, dominer, disloquer et briser toutes formes de résistances, la colonisation n’a pas transmis le goût du travail aux colonisés. La pénibilité du travail, le taux élevé de mortalité a laissé une image non motivante et valorisante du travail. Travailler a été assimilé depuis comme une corvée dangereuse. L’Africain travaille pour nourrir sa famille, nullement pour s’épanouir. Cela laisse des traces jusqu'à ce jour. Le colon interdisait la réflexion, les initiatives privés, tout devait être remonté vers le "Dieu blanc" et décidé par lui. Il pensait pour les colonisés, il était formellement interdit de réfléchir, de penser, d'être et de faire sans autorisation. Parler sa propre langue, valoriser sa propre culture est source d'humiliation et de sanctions sévères... Cela vous permet au final de choisir tout seul sa place et son classement par rapport à l'autre et cela perdure encore. Le colon était devenu par ses ruses et sa mauvaise foi, le borgne au pays des aveugles. L’école coloniale n’a fait qu’assurer le service minimum pour le maintien de ce classement, dans la maîtrise des connaissances et des savoirs. L’Eglise étant chargée de déraciner toute résistance intérieure. Les travaux forcés pour abrutir, dérégler par le choc violent des désorganisations. La brutalité de l’administration coloniale de faire régner la peur ainsi que la soumission. Tout cette chaîne mortifère a participé à la naissance d’un nouvel homo africanus
Cela a eu pour conséquences de générer de nouveaux comportements, créer de nouvelles sociétés et communautés (suite au partage de Berlin 1884-1885), développer de nouvelles possibilités de domination (colonisation) et par conséquent de meilleures conditions de soumission (décolonisation). Hier, aujourd’hui, la domination française par sa manière de délimiter l’Afrique et de limiter l’illimité africain a définit « son Afrique ». Cette Afrique est-elle devenue irréversible. En tout cas cette pièce Afrique roule encore, de quelle côté va-t-elle tomber ?

Rôle d'une classification dans l'inconscient collectif 
 
Cette Afrique francophone est à la fois la nôtre par défaut et pas la nôtre, faute d’une lecture commune des enjeux stratégiques, des connivences d’intérêts, d’idéaux, d’exemples et de mythes communs.
 
Classé a servi à exploiter, dominer, mentir, cacher, et exclure. Pour pénétrer nos terres, nos richesses et nos consciences, il fallait disposer d’un moyen fallacieux, insidieux de hiérarchisation des pouvoirs, des connaissances, des personnes, et des moyens cultuels. La politique raciste en vigueur dans les colonies françaises en est l’émanation et la suite logique. 
Nous sommes au cœur de la conséquence primaire et des conséquences secondaires du fait colonial. Dire que ce n’était pas le but c’est nous mentir ou se mentir à soi-même.  Dans les faits, l’intérêt réel fut clairement porté par le général DE GAULLE « Pour être grande, la France a besoin des pieds du colosse africain ». Nous découvrons en retour en 2007 que pour être la risée du monde, pauvre, sans le sou, il fallait avoir la France comme « mentor économique ».
Classés, normés, conditionnés, sélectionnés les africains n’a pas été un simple catalogue de faits et gestes, une description du noir ou un récit de voyage présenté dans les sociétés savantes de l’époque. Cette classification a évolué au gré de l’orientation imposée par les intérêts français, puis favorisé l’émergence des conditions de soumission qui ont permis de disposer des moyens d’assujettissement et d’aliénation. La suite est la création d’un desert qui a asséché notre pensée, tari nos sources de croyances et contribué à l’appauvrissement de nos intérieurs.
 
Aujourd’hui la question que je pose à la jeunesse africaine est la suivante :
Sommes-nous dépourvus de l’aléthéia  au point de ne pas pouvoir se dépasser, de ne pas briser les chaînes de notre finitude que les colonisations ont construites, organisées, et encadrées ?
 
A vos plumes…dans NOTRE GUERRE DES RETARDS, qui est la véritable guerre des jeunes diplômés…

 

[i] Ernest Renan. « La Réforme intellectuelle et morale ». Editions Complexe. 1900.




mercredi 11 avril 2012

En 2012 Le Congo-Brazzaville est cerné par de multiples risques…mais défend timidement ses intérêts stratégiques vitaux


COMPÉTITIVITÉ ECONOMIQUE ET PROTECTION DU PATRIMOINE NATIONAL DE L’ETAT (1)
Par Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique

Le Congo voit croître sa richesse en même temps que se diffuse par l'image la médiocrité, et s'installe structurellement la misère. Ce paradoxe inacceptable a guidé ma réflexion. Est-il possible de corriger les effets de la mondialisation au Congo ? A condition d'inscrire la protection du patrimoine économique de l’Etat dans des politiques globales de compétitivité économique, de logement, de santé, d'emploi, d'éducation…
 
Question 
 
Souhaitons-nous rester client donc dépendante de la NOUVELLE ECONOMIE ou, créer les conditions d’une souveraineté, à défaut, d’un contrôle de notre dépendance ?
 
Nous savons tous actuellement que la mondialisation de l’économie engendre des défis aux entreprises congolaises mais également à l’Etat Congolais. La notion de guerre économique se conçoit dans le contexte congolais, comme un tissu d’affrontements économiques entre les multinationales qui sont les bras séculier des puissances économiques dans les rapports marchands mondiaux. et les intérêts du peuple Congolais. Car, si en cas de guerre les Etats ou les alliances d’Etats se font la guerre jusqu’à la victoire totale, les entreprises, quant à elles, peuvent être tout à la fois concurrentes et partenaires. 

Le Congo aiguise depuis la fin des années 90, l’appétit des majors pétroliers. Sa position géostratégique fait de lui  un pivot stratégique dans le Golfe de Guinée. L’arrivée de la Chine pays faisant partie du BRICS dans les rapports économique entre le Congo et le monde extérieur donne à la guerre économique qui se déroule dans le Golfe de Guinée, une intensité particulière au Congo-Brazzaville. Sauf que nous subissons cette guerre sans jamais la comprendre, ni disposer de la réflexion utile et des moyens pour la conduite de celle-ci. Cette guerre est bien réelle puisqu’elle a déjà causé beaucoup de mort et de troubles politiques et économiques partout où elle est sévie dans le monde.
 
Le Congo est donc au centre de la nouvelle géopolitique pétrolière et des stratégies de développement des majors. La cherté du baril brut et la nécessaire diversification des sources d’approvisionnement donne à Pointe-Noire,  une importance stratégique de premier ordre. Nous ne pouvons continuer à être les spectateurs de notre propre misère et malheur. Depuis les indépendances plusieurs politiques et stratégies ont été mises en place avec pour seul objectif final acquérir les matières premières congolaises au prix fixés par l’acheteur.
 
Comment cela a-t-il été possible ?

A nos malformations congénitales des suites d’une « œuvre de civilisation » à tâtons et d’une décolonisation bâclée, s’ajoute les handicaps institutionnels congolais que renforcent les handicaps culturels
Handicaps institutionnels

La myopie stratégique de l’Etat 
 
Il eût fallu d’abord que l’État construise une doctrine : qu’il identifie les intérêts économiques et scientifiques majeurs de notre pays puis qu’il mette en place les outils destinés à leur promotion et à leur défense. Nous n'avons pas développé ce qu'on appelle une culture stratégique dans tous les domaines de souveraineté de l'Etat en 52 ans d'indépendance, malgré nos diplômes.

Il eût fallu ensuite que les administrations publiques soient conduites, voire contraintes, à collaborer entre elles, que l’information circule de manière horizontale et non exclusivement de manière verticale. Que les cloisons en somme disparaissent, et que s’atténuent les rivalités et les jeux de « corps » et les tribus.

Les pouvoirs publics s’arrogent le monopole de la défense de l’intérêt général ; les entreprises dénoncent de leur côté l’incapacité de l’État à comprendre les réalités du marché et la psychologie de ses acteurs… Et méconnaissent ses atouts.

L’impulsion politique n'a jamais été une tendance lourde pour favoriser les convergences d’intérêts entre le secteur public et le secteur privé.

L’État n’a jamais défini ni les secteurs d’activités stratégiques en termes de souveraineté, d’emplois, d’influence –, ni nos besoins technologiques s’y rattachant, et n’a jamais évalué les forces et les faiblesses de la recherche et des industries congolaises dans les dits secteurs.

Handicaps culturels

Nos élites, issues de la fonction publique ou de l’entreprise, n’ont été formées que superficiellement aux transformations de notre environnement économique international.

Les décisions des pouvoirs publiques sont souvent aveugles, même quand elles sont stratégiques,  elles ne sont le fruit que d’une accumulation d’opportunités et d'opportunismes.
 
Rôle et enjeu de l'intelligence économique dans ce contexte
L’intelligence économique peut nous aider – État, entreprises, collectivités territoriales, associations et fondations – à promouvoir collectivement nos intérêts dans les nouvelles enceintes de régulation et de normalisation.L’intelligence économique ne coûte rien, ou pour ainsi dire, pas grand-chose : son efficacité repose sur celle des réseaux, des circuits de l’information, sur la mobilisation des pouvoirs publics, l’élimination des conflits de chapelle et des cloisonnements, sur un peu de méthode. Sur la valorisation aussi de celui qui donne l’information et non de celui qui la retient, sur la compréhension par les administrations publiques des enjeux de l’entreprise et, pour l’entreprise, des priorités de l’État et donc de la Nation. Bernard Cayron
 


COMPÉTITIVITÉ ECONOMIQUE ET PROTECTION DU PATRIMOINE NATIONAL DE L’ETAT (2)

 


COMPÉTITIVITÉ ECONOMIQUE ET PROTECTION DU PATRIMOINE NATIONAL DE L’ETAT (2)




Par Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique
 
COMMENT ?
 
        Un état des lieux des vulnérabilités congolaises en 2012, relatif à la protection du patrimoine économique congolais, nous aidera à mieux définir le périmètre des intérêts stratégiques de l'Etat à défendre et à valoriser.
             
             Les vulnérabilités de l'État et des entreprises
1.   Méconnaissance du rôle de l’Etat dans la protection du patrimoine immatériel de l’Etat
2.   Non maitrise des concepts sur l’Intelligence Economique
3.   Promotion des intérêts économiques insuffisante dans le monde et au Congo
4.   Insuffisance de la réglementation (droit des affaires, droit du commerce, coopération interentreprises, contrôle des investissements, droit du secret, périmètre stratégique de l’Etat, etc…)
5.   Absence d’un environnement favorable à l’émergence d’une offre de services privés aux
entreprises dans le domaine de l'audit, le conseil, le lobbying, l’Intelligence Economique
6.   Absence d’une réflexion nationale sur l’Intelligence Economique, le périmètre stratégique des intérêts de l’Etat, les pôles de compétitivité économique, la nouvelle économie et ses risques pour l'Etat congolais…)
7.   Manque de cycles de formation
 
Conséquences dans les rapports entre les acteurs économiques et le marché captif (l’Etat)

1.     Difficultés d’accès à l’information à haute valeur ajoutée
2.     Incohérence des bases d’informations (Présidence, gouvernement, ministères, organismes publics, chambres de commerce, ambassades, etc…)
3.     Absence de sensibilisation et d’information sur  les enjeux et le rôle de l’information dans l’entreprise et les organismes de proximité
4.     Manque de formation des techniciens et des cadres sur les métiers de souveraineté (conseil, audit, négociations, expertises pointues)
5.     Intérêts divergents entre l’entreprise privée et les institutions publiques
6.     Manque de cohésions des équipes au sein de l’entreprise
7.     Manque de coordination opérationnelle des stratégies et mesures de l’Etat
8.     Absence d’organisation et de management des priorités économiques par projet
          Cela fait peser plusieurs menaces sur le Congo-Brazzaville, je n’ai répertorié trois (liste non exhaustive) :
Les menaces financières
        L’OMC dont l’objectif consiste à favoriser le libre-échange, prévoit la possibilité pour les Etats de se doter de dispositifs spécifiques afin de préserver les intérêts essentiels de leur souveraineté. Ces dérogations aux principes du libre -échange figurent aussi dans les statuts du FMI
 
Que constatons-nous au Congo-Brazzaville dans la préservation des intérêts essentiels de sa souveraineté :
1.     Inexistence d’une loi sur les relations économiques extérieures
2.     Absence d’un cadre juridique, fiscal, financier, universitaire clair et précis favorisant et accompagnant  la mise en œuvre des pôles économique, industriel, technologique, informatique, universitaire…
3.     Absence d’un concept sur les entreprises stratégiques au Congo
4.     Vulnérabilité du capital des entreprises congolaises classées stratégiques
5.     Insuffisance des contrôles de certains investissements internationaux
6.     Imperfection du dispositif réglementant les relations financières avec l’étranger
 
Les menaces juridiques
 
1.     Le secret économique n’est pas suffisamment garanti
2.     Le secret des affaires n’est pas du tout bien compris, ni préservé
3.     Une gestion malhabile de contraintes juridiques internationales
4.     Absence d’une loi assurant la protection des entreprises nationales et des particuliers contre le vol du secret d’affaires
5.     La cohérence et l’efficacité de textes de lois restent imparfaites
6.     Absence de loi sur le crime économique, la fraude économique, l’espionnage économique, le commerce électronique, etc…
7.     La coopération inter-entreprises est rarement en faveur des nationaux
8.     Des entreprises sont parfois victimes de procédures judiciaires étrangères
Les menaces sur les matières premières

Vous vous posez certainement la question qu’est-ce que c’est la guerre économique au Congo ?

Prenons le cas de la Libye et de l’Irak, dans ces deux cas, les interactions entre guerre et économie ont produit une dynamique favorable à la fois à la puissance militaire (test grandeur nature de nouvelles armes et tactique de combat) et à la richesse nationale (nouveaux marchés, nouveaux contrats, main basse sur l’économie des vaincus). Nous pouvons dire dans ces deux cas que la guerre a été au service de l’économie, mais aussi l’économie a structuré et organisé la stratégie de la conduite de la guerre.
« Pour le dire d'une autre façon, la guerre économique semble se dérouler sur trois étages :
il s'agit d'abord de produits : gagner des marchés, se procurer des biens nécessaires dans de meilleures conditions, mieux produire et vendre…
il s'agit ensuite de règles : imposer son code y compris sous la forme de normes juridiques internationales ou sous celle de normes intériorisées par les acteurs
il s'agit enfin de promouvoir des images (images de ses entreprises, de son pays, de sa culture, de valeurs  qu'il évoque et incarne) ou des images négatives du concurrent
Or ceci se fait par deux moyens combinés : ceux qui ressortent à l'autorité de l'État (sa faculté d'obtenir de l'obéissance sans avoir à verser de contreparties ou sans employer visiblement la force ou la menace), des moyens d'influence qui agissent sur la vision de la réalité que se forment des dirigeants ou des populations ». http://www.huyghe.fr/actu_694.htm
    Quelles sont les failles congolaises qui profitent à l’extérieur dans la conduite de cette guerre :
Manque de patriotisme national
Manque de confiance en soi
Insécurité juridique, fiscale et des affaires
Gestion malhabile de l’intelligence des affaires
Environnement des affaires jugé peu fiable
Faible industrialisation
Faiblesse de l’investissement privé direct
Insuffisance des infrastructures routières et portuaires
Faiblesse des communications
Main d’œuvre peu qualifiée
 Intégration régionale balbutiante
 Pouvoir d’achat des congolais dérisoire
Filière agricole traditionnelle non valorisée
La faible estime des Congolais de leur propre pays

        Avec toutes ces lacunes, ces insuffisances, ces difficultés et ce malgré notre pétrole, nous constatons que la mondialisation des rapports marchands se fait sans nous. Le marché congolais faible et fractionné n’offre pas de débouchés, que les grands groupes internationaux peuvent trouver dans d’autres pays émergents, comme la Chine, le Brésil, l’Inde, la Corée du Sud, l’Argentine, l’Afrique du Sud par exemple. Le seul intérêt que représente le Congo sur le plan économique, stratégique et géopolitique aux yeux des entreprises multinationales, reste et demeure : le PETROLE[ii] et accessoirement d’autres matières premières (le bois, la potasse, l'or, le fer, etc...).
 
L      La question qui vient à l’esprit face à la violence, à l’étendue et aux conséquences de cette guerre pour l’avenir de la Nation Congolaise est :

          QUE PEUT FAIRE POUR LE CONGO AVEC SON PÉTROLE ET SES MOYENS LIMITES ?
 
          Voici nos quatre axes de la démarche

         Sécurité économique : Une mutation de l’Etat à accomplir avant 2014     
         Stratégie nationale et départementale de sécurité économique est nécessaire : création du Conseil National de Sécurité Economique avant 2014  
         Organisation structurelle et des textes est obligatoire mais progressive au Congo avant 2014
         Définition d'un périmètre stratégique de l’économie congolaise en 2012
 
       Axe 1 - De la Défense Nationale à la Sécurité Economique
 
         Schéma générale de la démarche
       
       N.B : Du fait de la complexité des interactions entre les différents départements et de la sensibilité de la question au Congo-Brazzaville, il est indispensable d’adopter la stratégique des petits laboratoires de  manière itérative avec comme mode opératoire le management par projet, en proposant pour chaque axe un « root », première approximation qu'on affine au fur et à mesure que s’accroît notre compréhension du périmètre stratégique de l’économie et des intérêts identifiés.
         
       Axe 2 - Une stratégie nationale et départementale de sécurité économique est nécessaire
       
       Principe : L’Etat doit agir par la commande publique, un nouveau cadre juridique doit remplacer les règles actuelles, obsolète et inadapté de passation des marchés publics. 
                   
               Définir une stratégie nationale de sécurité économique
               Conseiller le Président de la République sur les politiques économiques nationales et internationales
               Définir les orientations de la politique menée dans le domaine de la sécurité économique et d’en fixer les priorités
               Assurer la cohérence et la coordination des actions menées par les différents pôles et ministères 
               Procéder à la revue des projets annuels et l’évaluation des exécutions, enfin veiller à l’adéquation des moyens mises en œuvre 
               Soutenir la conquête du marché intérieur et extérieur


                                                                  Démarche générale
 
        Axe 3 : Une organisation structurelle et des textes est obligatoire mais progressive au Congo avant 2014
 
L’on ne change pas la société par décret. Par contre, le droit peut et doit être changé ou réadapté par la société ou l’Etat et ce chaque fois que le besoin se fait sentir à l’occasion d’une évolution technologique, d’une découverte scientifique ou de l’évolution des rapports économiques mondiaux. L’évolution du droit doit aller de pair avec les processus économique, social, politique, commercial, culturel, idéologique, etc. Si le législateur congolais  peut mieux briller par une réactivité législative, cette dernière par contre ne peut de par elle-même conduire à un changement radical et en profondeur de la société. Le changement dans le droit doit être précédé d’une évolution dans la société congolaise. La difficulté dans la société congolaise est que les mentalités évoluent TRÈS lentement et aiment faire de la résistance à toutes nouveautés susceptibles de bousculer les intérêts individuels.
 
Un droit qui ne correspond plus à la situation économique à laquelle il s’applique est un véritable frein à la compétitivité économique, au progrès et au développement économique, commercial, politique, culturel, humain, etc. La création d’unités de recherche ayant pour objet de suivre toutes évolutions sociales est dès lors fort indiquée, pour la réadaptation du droit, dans l’intérêt du progrès, du développement et de la paix sociale. Encore faudrait-il créer ces relations conventionnelles nécessaires entre, d’une part, l’ingénierie juridique et la sociologie du droit et, d’autre part, les politiciens du droit.
 
               Axe 4 :Les quatre laboratoires en vue d’une définition d'un périmètre stratégique de l’économie congolaise en 2012

Les quatre laboratoires
 
Root 1 : Dimension stratégique 

Exemple 1 
 
  1.         Etat des lieux des intérêts stratégiques nationaux
  2.         Analyse stratégique du contexte et de l’environnement actuel
  3.         Définition d’une stratégie globale et transversale de sécurité économique
  4.         Définition d’un périmètre stratégique de l’économie
  5.         Proposition d’un cadre législatif et d’un cadre référentiel
Root 2 : Dimension opérationnelle
 
Exemple 2

  1. Mettre en place une cartographie décisionnelle et informationnelle de chaque entreprise, organisation, institution…
  2. Disposer d’une cartographie des besoins des entreprises et des compétences disponibles
  3. Créer une direction centrale de contact et de soutien aux entreprises
  4. Créer une bourse de compétences congolaises
  5. Organiser un guichet unique d’information stratégique à haute valeur ajouté

Root 3 : Cœur national stratégique
 
Exemple 3
 
  1. Sensibiliser les décideurs politiques, économiques, les PME congolaises aux nouvelles pratiques de la compétition internationale
  2. Développer les axes de développement selon les compétences congolaises et les ressources disponibles
  3. Fédérer les institutions nationales autour d’une démarche de compétitivité économique, recherche et développement, d’Intelligence économique, cohésion nationale et non cohésion tribale
  4. Professionnaliser les entreprises stratégiques à la culture du partage de l’information stratégique
  5. Organiser les réseaux institutionnels de connivence d’intérêts
  6. Développer de nouveaux paradigmes autour des notions : cohésion nationale, Nation Congolaise, tribu, vivre et agir ensemble, Unité Nationale, développement de l’homme congolais etc…
Root 4 : Dimension prospective
 
Exemple 4
 
  1. Organiser la réponse de l’Etat par projet stratégique à définir
  2. Créer des lieux de pollinisation mutuelle sur les thèmes suivants : Analyse stratégique, intérêts congolais, lobbying, transfert de connaissances, intelligence économique…
  3. Réfléchir sur la stratégique de développement économique et la cohésion sociale
  4. Organiser nos connaissances et surveiller les variables économiques a effet direct et indirect sur l'ensemble de l'économie congolaises.
 Cette contribution est volontairement succincte, mais assez explicite pour comprendre les enjeux du Congo. Celles et ceux qui souhaitent disposer de plus de détails sur certains points, nous nous feront un réel plaisir de leur apporter les éléments de compréhension de notre stratégie de petits laboratoires.


patrice.passy@hotmail.fr  

         De nombreuses autres filiales de majors sont présentes à Pointe-Noire, parmi lesquelles celles de l’italien ENI (ENI-Congo), du français Maurel & Prom, du franco-britannique Perenco (Congorep), du britannique Esso (Esso Exploration & Production Congo Ltd), des américains Chevron (Chevron Overseas Congo Ltd) et Murphy (Murphy West Africa Ltd), sans oublier la compagnie d’État, la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), qui a rejoint le rang des sociétés pétrolières opératrices en août 2010. Premier groupe du pays, la SNPC contribue à hauteur de 70 % au budget de l’État. Les activités d’exploration et d’exploitation, dont les permis sont délivrés par les autorités congolaises, sont menées dans le cadre de partenariats entre ces principaux opérateurs. C’est le cas, par exemple, du permis Mer très profonde Sud (MTPS), qui couvre plus de 5 000 km2 en haute mer (à quelque 180 km au sud-ouest de Pointe-Noire) et est opéré par Total E&P Congo (40 %), ENI-Congo (30 %) et Esso Exploration and Production Congo Ltd (30 %).

         Parmi les compagnies privées étrangères basées à Pointe-Noire, le premier opérateur est le français Total, via sa filiale Total Exploration & Production en République du Congo (Total E&P Congo), qui, à elle seule, assure environ 60 % de la production du pays, avec 160 000 b/j en 2009, sur neuf champs.                                                                                                                                     
         Source Internet : Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Congo : Pointe-Noire, vigueurs océanes | Hydrocarbures : rendez-vous des majors à Pointe-Noire.  http://www.jeuneafrique.com
 
        Les activités pétrolières attirent des groupes du monde entier. Elles génèrent des milliers d’emplois locaux, directs et indirects, et près de 80 % des recettes de l’État congolais. Une manne dont la ville aimerait profiter davantage. Depuis quarante ans, le nom de Pointe-Noire est associé à celui des plus grands majors pétrolières, dont les activités d’exploration et d’extraction se concentrent au large et sur les terres de la cité océane. Les revenus de cette filière représentent près des deux tiers du produit intérieur brut (PIB), 93 % des exportations et 76 % du budget de l’État congolais. En 2011, elles devraient lui rapporter plus de 2 000 milliards de F CFA (plus de 3 milliards d’euros). Le pétrole du pays est exploité depuis les années 1970, pour une très large part offshore. La production a atteint une moyenne de 88 millions de barils par an de 2000 à 2006. L’année 2007 a marqué un léger recul (avec 82 millions de barils), à la suite d’un accident sur le champ offshore de Nkossa, qui a entraîné une suspension des activités pendant plusieurs semaines, et de la baisse de rendement du gisement onshore de M’Boundi. Mais, depuis, la production a repris sa phase ascendante, pour dépasser 114,5 millions de barils (soit plus de 313 000 barils/jour) en 2010, soit un peu moins que la Guinée équatoriale, mais plus que ses voisins gabonais et camerounais.
         
         Source Internet : Lire l'article sur Jeuneafrique.com : Congo : Pointe-Noire, vigueurs océanes | Hydrocarbures : rendez-vous des majors à Pointe-Noire.  http://www.jeuneafrique.com