mercredi 16 juillet 2014

Les enjeux de la normalisation en Afrique dans le contexte des Accords de partenariat économique : le cas du Cameroun

Quel monde voulons-nous construire avec les accords de partenariat économique ?
Comment être camerounais et se développer dans un rapport du faible au fort ?
Dans un monde qui s’accélère et se complexifie, la norme permet à certains de se protéger et à d’autres de se projeter. Comment faire face à l’importance croissante de l’influence normative ?

Pour répondre à ces questions, mieux que de longs développements il m’a semblé utile de reproduire quelques vérités formulées par les professionnels publics et privés consultés:
  • Il faut considérer l’activité normative comme un investissement : les coûts d’entrée dans le système normatif sont des frais d’établissement, les frais qu’elle occasionne sont des frais commerciaux indispensables et l’ensemble des sommes qui y sont consacrées sont des investissements immatériels, au même titre que la recherche.
  • La norme n’est jamais innocente, c’est d’abord un outil de la compétition.
  • Les normes sont une passerelle entre l’innovation et le marché : celui qui contrôle le point de passage détient une position clé.
  • Dès qu’il y a une innovation, il faut travailler la norme car le pays où le produit final se développera prendra la norme qui existe.
  • Le monde des experts de l’ISO ressemble plus à un univers d’ONG qu’à un réseau inter étatique. Il faut y faire du réseau et y convaincre sur la durée.
  • Dans les cercles normatifs et réglementaires, les relations individuelles sont essentielles. Il faut être reconnu.
  • Les normes génèrent un vrai business. Le processus est simple : inventer une méthode, lui donner un acronyme, la faire valider par une autorité normative,  en vendre la certification, la formation, les livres, les audits…
  • La norme est toujours un pouvoir, tout dépend au service de qui : bureaucratie ou concurrence ?

La guerre des normes en Afrique

       En Afrique, la pauvreté ne s’exprime pas en termes de revenus mais de conditions de vie. La pauvreté est un bouquet de manques composé de ce que DB CONSEILS désigne sous le vocable, les 7 faims. Ils sont constitués des accès suivants :
·         L’accès à une nourriture en qualité et en quantité suffisantes
·         L’accès aux soins de santé
·         L'accès au travail et à la sécurité pour tous
·         L’accès à un toit décent, à l’eau potable
·         L’accès à l’alphabétisation et à l’éducation pour leurs enfants
·         L’accès à un avenir sécurisé et commun pour tous
·         L’accès à un bien être partagé par tous

La question actuelle faisant l’objet de notre attention, au cours de mon intervention ce matin, n'est pas simplement un traité de libre-échange, et ce n'est pas non plus accessoirement un traité de commerce. L’enjeu dans 20 ans, c'est la maîtrise des normes et des standards. Celui qui arrivera à imposer ses standards au reste du monde gagnera les marchés.

Mais avant qu’est-ce que c’est le libre-échange ?

Le libre-échange correspond à une politique économique qui entre dans le domaine du commerce international. Il s'agit de supprimer les restrictions douanières (principalement les taxes) afin de laisser place à la libre circulation des biens et services entre les pays sans intervention des gouvernements.

Exemple de libre-échange

La mise en place du libre-échange correspond à des accords internationaux :
  • accords bilatéraux (réglementation identique entre deux pays)
  • accords multilatéraux (au niveau de plusieurs pays et négociés auprès de l'Organisation Mondiale du Commerce)
  • création de zones de libre-échange (Union Européenne, Mercosur...)
Pourquoi le libre-échange ?

Les défenseurs du libre-échange le considèrent comme une opportunité pour chaque pays de faire des gains sans forcément être les plus compétitifs ou les plus performants. En ce qui nous concerne au cours de cette Université du GICAM (Douala-Cameroun), à savoir les accords de partenariat économique ou APE, il est important de retenir qu’ils sont des accords commerciaux visant à développer le libre-échange entre l’Union européenne et les pays dits ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique).

  • Pourquoi ces accords ?
  • Pourquoi cette pression européenne forte pour amener les pays africains à signer rapidement ?
  • Pourquoi cette « frénésie » et presque « obligation » de signer ?

  1. Parce que l’Afrique est devenue UN BON RISQUE ECONOMIQUE, une perspective démographique salutaire pour les économies européennes en panne de croissance, un débouché de près de 2 432 000 000 de personnes en 2050. Ça change tout dedans et ça change tout autour.
L’Afrique évolue et change rapidement.

  • Le PIB a ainsi progressé de 5,6 % par an en moyenne entre 2002-2008, ce qui fait de l’Afrique la deuxième région du monde, en termes de croissance, juste derrière l’Asie de l’Est
  • Les projections tablent sur une croissance du continent de l’ordre, en moyenne, de 5,3 % en 2014.
  • Au niveau mondial, des 15 pays ayant enregistré la plus forte croissance économique en 2010, dix se trouvaient en Afrique.
  • Le premier des facteurs qui a une incidence sur l’économie des pays africains est aujourd'hui la consommation intérieure, qui contribue fortement au maintien de la croissance alors que l’environnement international est plus incertain.
  • La part des actifs dans la population augmentant, elle constitue de ce fait, le facteur le plus lourd et le plus durable de la croissance en Afrique.
  1. Parce que l’attractivité du continent est passée auprès des investisseurs, en 2010, de la 8ème  position, à la 1ère  en 2013.
  • Le libre-échange devient, dans un rapport du faible au fort, le bras armé du capitalisme triomphant depuis la fin de la guerre froide, une arme économique favorisant le développement du commerce international, en supprimant les barrières douanières tarifaires et non tarifaires, les réglementations nationales, susceptibles de restreindre l'importation des biens et des services.
  • D'inspiration libérale, la politique de déréglementation considère, en effet, que tout ce qui contribue à restreindre le libre-échange et la liberté des acteurs économiques nuit à l'atteinte des équilibres du marché.
  • En 2014 les équilibres économiques deviennent instables et difficiles à maîtriser, le théâtre des conflits s’est déplacé de la scène militaire à la sphère économique. Désormais, la notion de puissance passe plus par l’économie, voir la diplomatie, que par le militaire.
  • La guerre pour le leadership mondial est désormais économique, la notion de sécurité économique a rejoint la question de la sécurité nationale. Les connaissances et le savoir représentent l’avantage comparatif du XXIe siècle et fondent la richesse des pays.
  • L’influence sur ces règles du jeu internationale est une composante essentielle, quoique peu visible de la compétitivité des multinationales entreprise et de leurs États. Elle est aussi une composante du soft power, des puissances économiques, cette attractivité des États qui peu à peu pénètre les esprits-cibles et forge les opinions nationales.
L’importance croissante de l’influence normative en Afrique dans les rapports de partenariats économiques, juridiques, écologiques, militaires, financiers…

Elle découle d’évolutions clés :

  • l’élaboration des régulations internationales fait l’objet de compétition au même titre que les produits. D’ailleurs, pour certains, les normes sont des produits. Tous les marchés y sont soumis y compris les marchés domestiques africains ;
  • l’impasse actuelle du multilatéral, en particulier concernant l’OMC, les accords de libre-échange entre États ou zones sont des outils stratégiques de diffusion de règles et de normes ;
  • la norme et la règle, y compris très techniques, véhiculent des stratégies non seulement commerciales, mais aussi de puissance, des politiques et des modèles, notamment venus depuis une trentaine d’années de conceptions dites libérales anglo-saxonnes qui relèvent avant tout de la culture libérale
  • l’arrivée des BRICS et autres nouvelles puissances sur ces terrains, est une bonne nouvelle à long terme car elle ouvre le jeu des négociations pour les pays africains. En même temps, la norme comme la règle ont toujours pour objet de sécuriser les échanges, de faciliter l’interopérabilité du commerce et, en principe, de protéger le consommateur tout en lui assurant le meilleur service
La normalisation est un précieux outil d’intelligence économique à la fois offensif et défensif

Nous avons relevé, au cours de nos missions de conseils en Afrique, que l’Afrique croule sous le poids des normes internationales et la demande de normes et règles est en croissance constante et de plus en plus d’acteurs publics et privés participent à leur élaboration sans prendre conscience des enjeux cachés. Les États africains sont des acteurs faibles et pas singuliers dans cette compétition. Les enjeux de réglementaires et normatifs peuvent être considérés comme une opportunité pour l’Afrique en  2013, l’occasion de rebattre les cartes de l’éternel face-à-face avec l’Europe et parfois l’affrontement entre la BRICS, l’Europe et les Etats Unis. Sachons aussi que la compétitivité-coût de l’Afrique va devenir une réalité avant 2050. Elle sera fondée sur sa capacité de production de normes dans la protection de son patrimoine économique ainsi que de ses matières premières.
A cela s’ajoute le fait que l’Afrique, en général, est aujourd’hui régie par des règles et normes presque intégralement européennes et internationales, qui évoluent sans cesse. Ces régulations de toutes natures déterminent les marchés africains et fixent des types de gouvernance de leur organisation. Les normes en Afrique ne sont jamais innocentes, que leurs auteurs cherchent à devancer la concurrence, à la freiner, ou à exporter des contraintes, elles participent à l’atteinte des objectifs fixés par la guerre économique que se livrent les puissances du monde dans leur course au leadership en Afrique. Les régulations peuvent faciliter les affaires des multinationales ou au contraire, limiter les accès à des pays dans leur zone de confort économique (la zone franc par exemple). Elles transportent des approches techniques, financières, juridiques, de gestion et d’éthique qui favorisent ou défavorisent les autres intervenants sur ce marché.

Le Cameroun et la Normalisation internationale dans le contexte des APE

La montée en puissance de la mondialisation a permis l’émergence et la diffusion de problématiques économique, géo-économique, géostratégique, environnementale, financière, normative dans les sociétés africaines. L’émergence de la « question de la marchandisation du Cameroun avec les APE » dans l’espace public camerounais est au XXIe siècle ce qu’était la « question sociale » au XIXe siècle en Europe, à savoir le nœud conflictuel où se concentrent toutes les contradictions du développement économique et social du pays. Considérée globalement, la prise en compte des enjeux normatifs mondiaux par les acteurs économiques camerounais semble aller de soi au sein de l’exécutif, au point d’être timidement mise en débat tant sur le plan technique que stratégique. Cependant, l’actualité des normes juridiques (la CPI par exemple) des normes financières (la crise des subprimes, normes ISO) institue, autour des normes et le sens caché de leurs enjeux, un axe central d'intelligence ou un hub de management autour duquel les intelligences camerounaises doivent s’investir, afin de faire face à la guerre des retards normatifs. L’urgence est là, et les conséquences sont fâcheuses sur tous les plans et pour plusieurs générations.

Dans le contexte des APE, DB CONSEILS recommande, la protection des matières premières camerounaises, une meilleure définition du périmètre stratégique des intérêts camerounais afin de mieux réglementer l’accès aux marchés camerounais. Nous proposons une meilleure définition d'un socle de travail commun en vue de développer une culture normative offensive et/ou défensive pour mieux conquérir de futurs marchés, notamment dans la sous-région. En matière de communication, il est impérieux d'orienter les débats en faveur de ses propres enjeux dans les accords de partenariats économiques et financiers, promouvoir sa culture au sein de l’exception culturelle française.
  
Normalisation internationale : l’exemple chinois
Le gouvernement chinois considère la normalisation comme un instrument essentiel de sa politique industrielle et elle figure à ce titre dans le 12ème  plan quinquennal chinois. L’exportation de normes chinoises est considérée comme un instrument de politique de commerce extérieur. Sur les 1 200 000 normes existant dans le monde, 200 000 sont en Chine. Un certain nombre de normes sont aussi faites pour décourager l’étranger à pénétrer le marché chinois, mais le fait est là.
1-Elle est première dans le monde en matière de certification.
2-Dans ce pays la normalisation est gérée par l’État.

  Pour les Chinois, la normalisation fait partie de la diplomatie  économique et donc de la diplomatie tout court et ils multiplient les coopérations normatives bilatérales sur les sujets les plus divers, avec de nombreux pays. Alors qu’elle n’a pris ses premières responsabilités qu’à partir de 2004, la Chine assure d’ores et déjà la présidence d’une trentaine de comités et sous-comités à l’ISO (environ 6 %). Dès qu’un siège est vacant, elle présente sa candidature. Son implication dans les structures techniques a également beaucoup progressé.

Cameroun
Que faire en matière de normalisation dans un rapport du faible au fort ? 

1. Il nous faut surveiller l’émergence d’idées, de concepts, de prénormes…ou en lancer nous-mêmes, et pour cela, nous devons être plus présents dans les forums industriels, les plateformes, les créateurs de normes globales de gouvernance. Cela c’est le rôle des entreprises. L’Etat encadre, met à disposition le cadre incitatif, la production des concepts revient aux entreprises. Les groupements patronaux et l’État peuvent s’entraider pour repérer les nouveaux lieux de création des labels, règles, etc.

2. Il nous faut enfin sortir de la faiblesse de la présence des camerounais, secteurs public et privé réunis, dans les colloques, forums, initiatives, etc. tous lieux plus ou moins formels où se rencontre une « intelligentsia » internationale de penseurs, hauts fonctionnaires internationaux, membres d’ONG, de groupes d’entreprises, etc., et où se forgent les réputations, les opinions et les marques … qui structurent peu à peu les opinions des décideurs et des citoyens.
Développer une ingénierie professionnelle en matière de normes 

La cohérence
  • En amont de la norme ou de la règle, il y a l’image et le discours/message
  • La cohérence est un des maîtres mots de l’influence, y compris normative « Produire du concept » et le « packager », telle est l’obligation fondamentale
  • On citera le développement durable qui, après un filtre onusien, s’est décliné en responsabilité des parties prenantes, transparence, citoyenneté
CHANGER D’ÉTAT D’ESPRIT ET DE MANIÈRE DE FAIRE
Parler ne fait pas cuire le riz…agissons !

Du côté des entreprises
  • Participer à l’élaboration de la normalisation est dans leur intérêt
  • Les responsables d’entreprises ne se sont pas, dans l’ensemble, saisis de la normalisation ni de l’influence sur les règles en général.
  • Voir la norme comme un outil d’évolution et non une contrainte (« on attend les instructions de l’État et si on n’est pas d’accord, on fait changer le décret d’application ») 
Quel partenariat entre l’État et les entreprises ?

L’implication dans l’activité normative a été initialisée par l’État, avec à l’origine des visées défensives et structurantes. Les entreprises ne se sont pas organisées pour en faire leur sujet, le laissant à l’État. La présence tutélaire de l’État est, comme dans d’autres domaines, la raison principale pour laquelle elles ne se sont pas approprié la normalisation ni l’influence normative. Il est curieux que l’État soit toujours en première ligne

Conclusions

Les conclusions de nos entretiens avec les acteurs politiques et économiques vont toutes dans le même sens : l’Afrique, secteurs public et privé confondus, ne dispose ni de compétences remarquables ni de savoir-faire pointus dans plusieurs domaines clé de son développement. Elle n’a donc pas développé d’expertise dans la compréhension et l’analyse des enjeux des partenariats économiques (les Accords de Partenariats Economiques nous le rappellent douloureusement), ni associé ses élites dans la production des connaissances stratégiques participant à la mise en place d’une intelligence économique et d’influence à long terme, portant notamment sur la normalisation et l’action sur les règles du jeu. 

   Les acteurs économiques et politiques africains, dans leurs accords de partenariats, marquent  trop peu d’intérêts à la guerre des normes qui se déroule dans ces pays. La normalisation en Afrique doit être associée de manière cohérente aux autres stratégies commerciales, aux actions d’influence étatique ou africaine, à la défense de nos intérêts dans les accords de libre-échange, à l'action régulière au sein des organisations internationales, à la préparation de la sécurité économique de nos marchés domestiques, et aussi à la conquête des marchés internationaux, donc de nos emplois. Il faudra que nos responsables privés et publics accordent à ces questions l’importance que leur donnent, depuis longtemps, leur meilleur allié traditionnel.



     Un mot sur l'auteur

Patrice PASSY est consultant-formateur et conférencier sur les thèmes en rapport avec l'intelligence économique, la communication d'influence, intelligence interculturelle. 

Directeur associé de DB CONSEILS, qui est un cabinet conseil spécialisé depuis 14 ans en Management des organisations, intelligence et communication d'influence, Patrice PASSY intervient dans les écoles de commerce et instituts de Management en Île de France, en Afrique francophone et en Belgique. Ce cabinet organise à Paris depuis 2006, des "conversations stratégiques", qui sont un système de pose de questions stratégiques portant sur l'enjeu chinois en Afrique, la culture stratégique française, le processus de néo-décolonisation africaine, les perspectives démographiques africaines en 2050: enjeux et opportunités (liste non exhaustive).

De nombreuses études et conseils stratégiques sur la géopolitique, la géo-économie et les perspectives économiques et démographiques africaines ont permis à l'auteur, de développer une expertise africaine sur les questions stratégique, géostratégique, intelligence stratégique et communication d'influence, la gestion des problématiques interculturelles, sans oublier le management des diversités franco-africaines.

DB CONSEILS est le premier réseau de compétences franco-africaines disposant d'un réseau de représentant dans plusieurs pays francophones (19 consultants) depuis 14 ans. Nos proposons des prestations dans la:

  • protection du patrimoine économique de l'Etat
  • protection du patrimoine immatérielle de l'entreprise
  • management des complexités locales
  • redynamisation commerciale de l'entreprise
  • résolution des dysfonctionnements internes de l'entreprise
  • appareil de solutions au cas par cas selon le cahier de charges du clients
  • Accompagnement des entreprises dans la conquête du marché de la zone franc
  • Intelligence interculturelle et intelligence économique

Nos clients sur les questions stratégiques et le conseil de service à ce jour, ont été des chefs d'entreprises, entreprises publiques et privées, écoles et instituts de management, les patrons des patrons africains, des Ministres et/ou Ministères, ainsi que la Primature.

lundi 14 juillet 2014

La gestion des complexités en Afrique francophone de 2014 à 2020... les six solutions de DB CONSEILS


Les six solutions de DB CONSEILS

Depuis 20 ans, la seule constance en évolution dans le monde et plus particulièrement en Afrique francophone c’est le changement.  Tous les hommes politiques dans le monde lors des échéances électorales dans les processus démocratiques, prônent, proposent, font miroiter une seule chose : le changement. Si le changement devient un espoir, une exigence, une promesse et même une source de victoire (Obama), cela veut simplement signifier que l’immobilisme, le statu quo, les attentes et les impatiences des peuples deviennent insupportables, ingérables et source d’angoisse politique en Afrique. L’Afrique francophone a faim, elle souffre des sept faims qui sont :

1.   La faim pour se procurer un toit décent
2.   La faim pour se nourrir
3.   La faim pour s’habiller
4.   La faim pour éduquer et s’éduquer
5.   La faim pour gagner mieux sa vie
6.   La faim pour vivre heureux

Ces faims ont une particularité pour un chef d'Etat ou un gouvernement, ils génèrent un taux de gestion des urgences très élevé. Il est difficile dans ce cas de respecter sa planification ou son programme politique. Or la gestion des urgences n'est pas une politique cohérente globale et structurante. Elle est en Afrique francophone une dynamique déstructurante qui dresse deux obstacles face aux sept faims du peuple qui en retour réclame le « besoin de changement ». 

Il s’agit de :


l’immobilisme politique avec son corollaire le poids des intérêts multidimensionnels qui agitent les puissances étrangères, animent, et orientent le fonctionnement des Etats, structurent l’organisation et l’obéissance passive des actes diplomatiques.

Mais le changement est une force naturelle irascible à la fois imprévisible et prévisible qui peut brusquement se réveiller ou très lentement se structurer. Les deux cas se conjuguent de plus en plus en Afrique, la grève générale au Nigéria suite à la hausse du prix du pétrole nous rappelle que le feu couve et le peuple a de moins en moins peur de se sacrifier pour les générations futures. Pour la première fois en Afrique les "sans avenir" sont prêts à mourir pour laisser à leur enfant un avenir meilleur, c’est une évolution dangereuse et inhabituelle dans l'agir des peuples.

En 2014, le rythme prévisible ainsi que les risques imprévisibles du changement ne cessent d’augmenter. Les alliances économiques, les partis politiques, les organisations, les entreprises, les structures  qui ne parviennent pas à épouser pour mieux gérer ce changement cesseront d'exister dans les 20 années à venir, c’est-à-dire avant 2034.

Les 6 tendances dont je vais résumer volontairement le contenu [1], reflètent le changement radical que va subir de manière croissante et transversale l’Afrique au cours de ces 20 années à venir. Ces 6 tendances se déploient et s’exécutent dans les sociétés, par la technologie, l’environnement, la finance, l’économie et les systèmes politiques, la circulation de l’information. A ce jour, seul le Maroc a intégré rapidement ces tendances dans sa planification stratégique, en fonction des assauts des priorités du peuple marocain, et de la hiérarchie des besoins de base du peuple.
  
1ère tendance dans l’Etat franco-africain 
La fin des certitudes

DB CONSEILS spécialiste des questions stratégiques africaines relèvent que la tendance lourdement prévisible en 2014 est la fin des certitudes. La France bénéficiant des privilèges exorbitants dans sa zone de conforme économique (la zone franc) ne peut espérer vivre longtemps de sa situation de rente. Elle est de plus en plus contrainte de supporter son nouveau rival principal : la Chine, de contrôler les intrusions répétées et de mieux en mieux coordonnées de l’Inde, du Brésil et de l’Afrique du Sud. La France et ses alliés traditionnels, vont devoir progressivement inventer d’autres « vaches à lait économique » pour compenser le manque à gagner en Afrique francophone. 
Or les situations de rente économique ne sont pas extensibles à souhait ni éternelles, il faudrait donc se préparer à livrer de violentes batailles pour la protection des intérêts de l’Etat, chacun à son niveau ou s’aligner sur la volonté du maître pour être et durer au pouvoir. A chacun de nous, de choisir comment écrire son histoire avec son peuple et le monde qui aime l’écrire à votre place. Disons, que nous allons tous assister, de 2014 à 2018, dans beaucoup de cas (entreprises, partis politiques, intérêts d’Etats, élection présidentielle, relations bilatérales entre Etat) à la récurrence d’une tension diffuse entre le besoin de changement des peuples et le refus de la fin des certitudes. La Côte d’Ivoire et la Lybie sont les meilleurs exemples en ce début du 21e siècle.

2ème tendance 
Une nouvelle organisation des structures de l’Etat et du fonctionnement des  politiques permettant un repositionnement permanent

La France a bien compris depuis la fin des années 90 que pour gérer au mieux ses intérêts en Afrique, une nouvelle forme d'organisation s'impose pour naviguer sur les courants forts et déstabilisants du nouveau monde multipolaire. Les pays d’Afrique francophone accuse un net retard dans leur capacité d’adaptation, alors que les évènements de Lybie et de Côte d’Ivoire ont bien fait comprendre à tous les dirigeants africains qu’une nouvelle ère s’est écrite avec des bombes, du pétrole, la finance internationale, la communication d’influence et le droit d’ingérence non plus humanitaire, mais économique. Une nouvelle ère s’incruste dans le droit d’ingérence économique international, avec pour paravent, les droits de l’homme, couplé avec l’arrogance du maître qui s’octroie le droit de manipuler par l’information et la communication, le droit du plus fort sur les plus faibles, enfin le droit de tuer et d’envahir les plus faibles mais riches.

Dans cette nouvelle jungle de missiles, de satellites, de normes, de technologies, de prédation économique, de montages financiers complexes, le principal défi des stratèges africains et des conseillers dans les palais présidentiels sera d'optimiser la capacité de l’Etat à réagir promptement et de manière significative aux brusques changements que leur environnement compétitif direct génère, aux menaces insidieuses et indirectes, aux attaques frontales selon l’angle imposé par les intérêts étrangers ou ennemis intérieurs. Ces réactions devront, en outre, être créatives et s’articuler avec le peuple. Libérer la créativité d’un peuple, de ses forces vives et enfin de ses compétences peut assurer à l’Etat un  repositionnement rapide et un regroupement du peuple éclairé autour de ses intérêts et du chef de l’Etat. En clair cela sous-entend que les relations internes entre le peuple, l’élite, le pouvoir, et la vision du chef de l’Etat soient basées sur de nouveaux principes. 

Il s’agit principalement d’écrire le contrat politique entre l’électeur et l’élu du peuple à savoir : un mandat présidentiel pour 10 contrats fondamentaux à réaliser en cours de sa législature (5 ans). C’est à dire une implication collective dans un projet d’intérêt mutuel plutôt que qu’un mandat truffé de relations transactionnelles pour sa propre réélection. Le repositionnement aura inévitablement un effet sur les positions des uns et des autres à l'intérieur du système politique ou de l'organisation de l’Etat. Nous y reviendront plus tard.

La sauvegarde d'acquis individuels, tout à fait légitime, ne doit pas contrecarrer la réaction de l’Etat face à ses ennemis internes et externes. Dès lors, les rapports au sein du pouvoir doivent idéalement quitter le mode transactionnel (je te nomme à un poste, par exemple, et je reçois en échange ce que je demande ou j’attends) pour migrer vers un dynamique relationnelle basée sur l'implication commune par rapport au projet de l'Etat, dans une logique de besoin du peuple de changement, qui une fois réalisé inscrit le groupe (Etat-peuple-leader politique) face un objectif commun ou intérêts divers dans un rapport gagnant-gagnant.

3ème tendance 
 Information is power : une approche plus « consumériste » pour le peuple

Arendt (Hannah) « Faire de la présentation d’une image la base de toute politique, - chercher, non pas la conquête du monde, mais à l’emporter dans une bataille dont l’enjeu est « l’esprit des gens », -, voilà quelque chose de nouveau dans cet immense amas des folies humaines enregistrées par l’histoire. »
        
La fin des certitudes impose ses choix en fonction de son propre confort, ainsi va la mondialisation. Cependant, pour les Etats franco-africain l'information doit se mettre au niveau du peuple et l’architecture du système d’information nationale doit refléter les objectifs de la stratégie de l’Etat... A ce jour faute de stratégie nationale de management de l’information, tous les Etats africains naviguent à vue et font du réactif épidermique en cas de situation à fort impact médiatique par exemple. Il est temps que les technologies permettant la collecte, le traitement, la diffusion de l’information deviennent à la fois disponibles (programme d’incitation et de vulgarisation), à bas coûts et durables. L'information, énergie vitale d'un pays, organisée comme une industrie à part entière est une véritable matière première. Sa production, sa diffusion  et son exploitation ne sont jamais neutre et l’erreur courante dans les stratégies visibles en rapport avec la question est de censurer l’information au lieu de noyer la capacité d’analyse du peuple par un flux d’information. 

Cette méfiance des politiques face à « l’information hors contrôle politicien » est la conséquence de ignorance d’un principe efficace : les nouvelles technologies modernisent l'information et diversifient les média en offrant une plus grande maîtrise de l’infosphère et de la médiasphère. La production de l’information comme arme défensive et offensive au service des Etats devra faire partie d’un programme national de gestion de l’information stratégique dans chaque pays francophone. 

Si les pays africains concernés par la question des biens mal acquis avaient fait de l’information une arme offensive contre les différentes campagnes médiatiques en France et sur internet, ils auraient développé la maîtrise des outils de visualisation des menaces et attaques sur le sujet et gagneraienten rapidité dans la structuration d’une cellule riposte dédiée. En clair, si ces Etats avaient voté des lois sur les biens mal acquis, fait tourner les commissions de biens mal acquis à plein régime et communiquer sur l’inexactitude de certains faits, je vous assure que les flux d'informations déstructurés venant des personnes connectées, les campagnes médiatiques et les enquêtes judiciaires n’auraient  pas submergé les organisations de la réponse. Les conseillers n’ont pas su éviter l'indigestion médiatique, et ont manqué d’un outil de visualisation et d'aide à la compréhension en vue d'un faisceau de décisions coordonnée et cohérent.

Résultat : une défense à l’emporte-pièce exclusivement juridique alors que la bataille de l’image  qui était la toile de fond de l’attaque médiatique, fut perdue faute d’une lecture globale et transversale des enjeux et des subtilités des luttes d’intérêts. Bernays (Edward) " Si nous comprenons les mécanismes et les mobiles propres au fonctionnement de l'esprit de groupe, il devient possible de contrôler et d'embrigader les masses selon notre volonté et sans qu'elles en prennent conscience. La manipulation consciente et intelligente des habitudes et des opinions organisées des masses est un élément important dans une société démocratique. Ce mécanisme invisible de la société constitue un gouvernement invisible qui est le véritable pouvoir dirigeant de notre pays. Ce sont les minorités intelligentes qui se doivent de faire un usage systématique et continu de la propagande ".

4ème tendance 
L’obligation pour les Etats africains de proposer un modèle politique propre tout au long de la chaîne de valeur dans les nouveaux rapports mondiaux
Dans son célèbre ouvrage « L'impérialisme, stade suprême du capitalisme », LENINE comme un prophètecritique l’impérialisme et annonce le sort des peuples dominés. « Ce qui caractérise notamment le capitalisme actuel, c'est la domination des groupements monopolistes constitués par les plus gros entrepreneurs. Ces monopoles sont surtout solides lorsqu'ils accaparent dans leurs seules mains toutes les sources de matières brutes, et nous avons vu avec quelle ardeur les groupements capitalistes internationaux tendent leurs efforts pour arracher à l'adversaire toute possibilité de concurrence, pour accaparer, par exemple, les gisements de fer ou de pétrole, etc. Seule la possession des colonies donne au monopole de complètes garanties de succès contre tous les aléas de la lutte avec ses rivaux, même au cas où ces derniers s'aviseraient de se défendre par une loi établissant le monopole d'État. Plus le capitalisme est développé, plus le manque de matières premières se fait sentir, plus la concurrence et la recherche des sources de matières premières dans le monde entier sont acharnées, et plus est brutale la lutte pour la possession des colonies. » 
Tous les chefs d’Etats africains ont conclu que les faits seuls en politique déterminent la décision, la communication et les stratégies politiques, plutôt que les dogmes idéologiques. La France, la Chine, les Etats Unis doivent devenir le dernier critère dans la détermination des choix politiques, économiques et militaires. Nous savons tous, à ce jour, que ni l’ancien modèle communiste soviétique, ni le modèle démocratique occidental, encore moins le système capitaliste ne peuvent s’appliquer à la modernisation d’un pays en développement, et que la démocratisation neprécède pas la modernisation mais le plus souvent la suive. En conséquence, les Etats francophones doivent décider à l’issue d’un forum inter régional (CEEAC et UMOA) d’explorer la nouvelle voie africaine de développement afin d’adopter une approche pragmatique d’essais et d’erreurs pour leur programme de modernisation massive. C’est ce que j’appelle la nouvelle chaine de valeurs africaines de modernisation massive.

     Comprendre, développer, s'approprier et diffuser la nouvelle chaine de valeurs africaines de modernisation massive s’avèreront, dans l'avenir, un défi quotidien. A ce titre, l'innovation d’un « politic model » à la fois global (les pays de la zone franc) et local (pour respecter le degré d’appropriation pour chaque pays) devient stratégique pour tous les pays de la zone franc. Cette évolution n'est pas sans conséquence sur l'organisation même des Etats ainsi que sur leurs structures politiques, économiques et financières. Une plus large implication des élites participeraient à la colossale dynamique d'innovation que cette longue construction du développement national impliquerait. La pression des instances de financement, des structures de contrôle monétaire, d’écoute des exécutifs, de contrôle des gouvernements, de la médiacratie occidentale, sans oublier la pression concurrentielle chinoise et des pays de la BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) ainsi que la concurrence politique couplée aux exigences des peuples pressent les marges de manœuvre et de négociations des Etats africains à la baisse.

    Il faut donc accompagner ou soutenir ce qui vient d’être écrit par un modèle de pensée propre, DB CONSEILS conseille la mise en oeuvre d'une pensée holistique [2]. Ce système de pensée convient mieux au contexte africain et à la logique de raisonnement, il serait le plus adapté pour permettre l’établissement  d’une stratégie holistique de modernisation des Etats africains. Le but assigné est d’établir un modèle d’ensemble de priorités et de séquences pour les différentes étapes de la transformation, avec des réformes facilessuivies par des réformes plus décisives et difficiles, à la différence de la politique populiste, à court terme, imposée par les échéances électorales et souvent simplement scandée par des hommes politiques véreux et inconscients de l’énormité de la tâche. Cela veut dire disposer des institutions politiques fortes, installées pour et dans la durée.

5ème tendance 
 L’Etat attaché au développement

L’Etat doit être une vertu nationale et nécessaire. Or l’Etat est un concept inconnu dans nos campagnes et villages. Oui il en existe, me diriez-vous, certainement dans les villes, mais le citadin a une représentation floue de l’Etat, et nous sommes tous conscients que souvent un Etat  ethnique, communautaire, faible, morcelé ou incompétent.
2014 risque d’être fort mouvementé pour certains Etats africains, si l’Etat ne s’attèle pas à la transformation du pays grâce à la colossale dynamique d'innovation pour la construction du développement national. L’Etat en Afrique francophone n’est pas encore capable de susciter un consensus national, il refuse d’indiquer la marche à suivre à l’ensemble du peuple, exemple : imposer des dures réformes ou stimuler la recherche, l’économie de base, les exportations vers les pays de la sous-région, parce que l’attachement au développement de l’Etat est encore faible ou embryonnaire. Un Etat fort ne veut pas dire un Etat militarisé.

6ème tendance 
Des relations bilatérales et multilatérales entre les Etats aux connivences diplomatiques entre groupes d’intérêts supranationaux.

"Le Pouvoir et les richesses, à l'échelle de l'histoire passent toujours de ceux qui y ont titre à ceux qui y ont droit et le droit c'est le droit du plus fort"

Dans le domaine des relations internationales, nous connaissions le E2E (relations bilatérales entre Etats) et le E2CI (relations multilatérales entre un Etat et les éléments du système international), nous constatons de manière éclatante avec le cas de la Lybie, de la Côte d’Ivoire l’essor de la CD (connivences diplomatiques). C’est la prétention des plus « grands », formalisée à partir de 1815 à travers une « diplomatie de concert », à se partager le pilotage du monde. On retrouve aujourd'hui cet entêtement oligarchique dans les nouveaux « directoires du monde » que seraient le G8 puis le G20, qui renouvellent pourtant les blocages, génèrent les guerres et les pauvretés. Bertrand BADIE.  
 
Le G20 n’est pas un organe légitime du point de vue du droit, ses décisions sont arbitraires. Tout Etat qui n’a pas été coopté au sein de ce cénacle oligarchique ressent son exclusion comme une injustice. Loin d’incarner la gouvernance mondiale, le G20 symbolise son absence. Telle est la thèse de Bertrand Badie dans La diplomatie de connivence.

Mais que veut dire la connivence diplomatique ?
C’est ce qui reste quand la norme commune fait défaut ou paraît trop contraignante (arrestation de Gbagbo, mort de Kadhafi) pour ne citer que les exemples les plus récents, les chefs d’Etats africains à défaut d’accord ont fermé les yeux ou serrer les dents en cas d’incapacité à résister. C’est «l’accord tacite et relâché, ponctuel et circonstanciel», en lieu et place de «la participation franche à une œuvre commune, clairement matérialisée et identifiée». C’est, entre les membres du club de chefs d’Etats ou doyens de chefs d’Etat en Afrique francophone, «un climat de non-agression», exprimé par «une gestuelle faite d’accolades et de démonstrations d’amitié»,des tenues décontractées, une familiarité ponctuée de blagues, le tout débouchant sur l’impression d’unité d’une élite autoproclamée.

L’extraordinaire conférence de presse des présidents français et américain à l’issue du G20 de Cannes, «Nicolas» déclarant sa fidélité à «Barack» et «Barack» son amitié pour «Nicolas», illustre le style de la diplomatie actuelle: le copinage à défaut de structure de décision.
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Des causeries au coin du feu aux millions de morts aux quatre coins du globe

        Les «G» sont une idée du président français Valéry Giscard d’Estaing et du chancelier allemand Helmut ­Schmidt. Aux prises avec les difficultés économiques des années 1974-1975 et la crise des institutions de Bretton Woods, les deux «amis» conviaient les dirigeants occidentaux à des «causeries au coin du feu», à l’abri de la presse, pour chercher des solutions. Le premier «G» eut lieu à Rambouillet en 1975, en présence des dirigeants du «groupe des cinq» du FMI (Allemagne, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Japon), plus l’Italie, cooptée. Ce «G6» devenait «G8» avec l’admission du Canada et de la Communauté européenne, nombre qui ne changea plus jusqu’à la grande cooptation de 2008 qui produisit le «G20».

Les dégâts de la diplomatie de connivence

Réfléchissant à ce «G20» de création spontanée, Bertrand Badie lui trouve de troublantes ressemblances avec cet autre objet apparu au début du XIXe siècle: le «concert des nations»,inventé par les puissances victorieuses de Napoléon au Congrès de Vienne, en 1815. Après l’aventure française, les princes cherchaient un mode de gouvernance qui empêcherait toute récidive. Visant le «bonheur du monde», la Quadruple Alliance passée entre l’Angleterre, l’Autriche, la Prusse et la Russie instituait par son article 6 des réunions périodiques consacrées «aux grands intérêts communs et à l’examen des mesures les plus salutaires pour le repos et la prospérité des peuples et pour le maintien de la paix en Europe». C’était, dit Badie, l’ancêtre de la diplomatie de club. Elle traitait la plupart des problèmes du temps sous l’angle des intérêts oligarchiques de ses membres et fondait par-là «un monde d’interdépendance durable, source de contraintes et producteur d’un jeu commun». Un problème quelconque surgissait-il – la création de la Belgique, les limites du bassin du Congo, le statut de la Bosnie-Herzégovine – qu’il arrivait sur la table des négociations, mais soigneusement privé de sa signification sociale pour être ramené à un simple objet de tractation diplomatique. Les négociateurs bricolaient alors une solution, la moins mauvaise possible pour gagner du temps et sauver les mises. 

Il y eut des hommes politiques, des diplomates et des juristes pour affirmer dès le XIXe siècle que d’autres modalités de gouvernance étaient souhaitables, notamment par le droit et la norme produits par la délibération commune de tous les intéressés. Mais ce n’est qu’au cours de la Première Guerre mondiale qu’ont été dénoncés le caractère oligarchique du système international, sa nature exclusive, son fonctionnement non démocratique et dangereux. Le conflit terminé, les éléments d’un autre ordre ont pu être avancés, ceux du multilatéralisme institutionnalisé de la Société des Nations. Les relations de connivence n’allaient pas disparaître pour autant, note Badie. Elles ont perduré à travers la SDN qui, malgré sa nature inclusive, normative et démocratique, restait un organisme de vainqueurs solidaires; et à travers l’ONU, par le Conseil de sécurité qui accorde au club extrêmement connivent des puissances nucléaires un droit de veto sur toutes les grandes affaires.

Aussi négative soit-elle, la diplomatie de connivence reste ainsi le recours que choisissent les dirigeants politiques pour se dispenser d’avoir à penser de fond en comble l’ordre international requis par la mondialisation. Ils cohabitent ainsi dans un système de relations qui n’a pas de nom, pas de caractère, peu de lois sinon celles du plus fort, et peu de visée sinon celle de la survie. De «quartette» en «G20», de «groupe de contact» en «BRIC», de «G20» en «groupe de Shanghai», de «coalition of the willing» en «concert des démocraties», tous les arrangements sont bons pour échapper à la logique d’assemblée des 192 membres des Nations unies. Logique lourde et compliquée, Joseph Deiss le reconnaît, lui qui a commencé par exiger que tous les ambassadeurs arrivent à l’heure aux réunions dit-il avec Badie[3].

      Un mot sur l'auteur

Patrice PASSY est consultant-formateur et conférencier sur les thèmes en rapport avec l'intelligence économique, la communication d'influence, intelligence interculturelle. 

Directeur associé de DB CONSEILS, qui est un cabinet conseil spécialisé depuis 14 ans en Management des organisations, intelligence et communication d'influence, Patrice PASSY intervient dans les écoles de commerce et instituts de Management en Île de France, en Afrique francophone et en Belgique. Ce cabinet organise à Paris depuis 2006, des "conversations stratégiques", qui sont un système de pose de questions stratégiques portant sur l'enjeu chinois en Afrique, la culture stratégique française, le processus de néo-décolonisation africaine, les perspectives démographiques africaines en 2050: enjeux et opportunités (liste non exhaustive).

De nombreuses études et conseils stratégiques sur la géopolitique, la géo-économie et les perspectives économiques et démographiques africaines ont permis à l'auteur, de développer une expertise africaine sur les questions stratégique, géostratégique, intelligence stratégique et communication d'influence, la gestion des problématiques interculturelles, sans oublier le management des diversités franco-africaines.

DB CONSEILS est le premier réseau de compétences franco-africaines disposant d'un réseau de représentant dans plusieurs pays francophones (19 consultants) depuis 14 ans. Nos proposons des prestations dans la:

  • protection du patrimoine économique de l'Etat
  • protection du patrimoine immatérielle de l'entreprise
  • management des complexités locales
  • redynamisation commerciale de l'entreprise
  • résolution des dysfonctionnements internes de l'entreprise
  • appareil de solutions au cas par cas selon le cahier de charges du clients
  • Accompagnement des entreprises dans la conquête du marché de la zone franc
  • Intelligence interculturelle et intelligence économique

Nos clients sur les questions stratégiques et le conseil de service à ce jour, ont été des chefs d'entreprises, entreprises publiques et privées, écoles et instituts de management, les patrons des patrons africains, des Ministres et/ou Ministères, ainsi que la Primature.