mardi 11 février 2014

L'improbable rôle des décideurs politiques dans l'émergence des économies de la zone franc d'ici à 2025

INTELLIGENCE ECONOMIQUE ET ECONOMIE DE LA CONNAISSANCE


Patrice PASSY
Directeur associé
Conseil en Intelligence Economique et Communication d'influence

Suite à mes multiples déplacements et missions de conseils en Afrique francophone, l'image que je retiens de celle-ci est celle d'un groupe de décideurs politiques resté enfermé dans une vision statique (voire immuable) de la société que les intérêts occidentaux a scellé dans le marbre de leurs rentes diverses et variées. 

Les Etats d'Afrique francophone pris individuellement ou observés collectivement voient en effet, la civilisation comme la capacité à se reproduire à l’identique autour des rites et des coutumes déjà en place. Ainsi, j'ai la faiblesse d'affirmer que la place accordée au changement (les éléments: volonté d'agir, diffusion de l'information, savoir-faire, planification), est restreinte. La difficulté récurrente de ces Etats de passer dans une logique d'offre de développement économique, de l'Etat gestionnaire à des Etats stratèges, ampute les forces vives d'un bénéfice: celui d'une culture stratégique pour le développement.  
http://ppassy.blogspot.fr/2011/08/la-crise-du-temps-français-en-afrique.html 

La mondialisation montre à suffisance que cette vision statique ainsi que sa finalité (l'immobilisme politique) est la cause souterraine (j'ai déjà longuement abordé les autres causes dans ce blog) du retard économique, des divisions et désordres dans cette zone de confort des intérêts économiques français. Cette vision statique et non pro-active du monde génère l’immobilisme général et reproduit depuis 1960 la société, l'homme, les coutumes à l’identique. 

Les effets induits de la mondialisation me permettent cependant, de constater des lignes de ruptures dans cet immobilisme. Il y a lieu d'affirmer en 2014, que des forces positives remettent en question dans les sociétés africaines les fondements visible et invisible des équilibres africains, voire participent à la pose des éléments de rupture entre les pays d'Afrique francophone et leur passé. Depuis une dizaine d'années, nous saisissons mieux les contours de cette rupture entre le passé post-colonial et les Etats africains. Ces contours sont dessinés par un fait: le choix. 

Le choix est une conséquence directe de la mondialisation dans les nouveaux rapports de force qu'il offre aux pays africains face aux alliés traditionnels. Le choix est le résultat de l'excitation du préfixe multi dans les rapports bilatéraux ou multilatéraux que le monde multi-polaire offre à l'Afrique. Nombreux Etats font le choix de l'exploitation choisie (BRICS) à l'exploitation imposée (les alliés traditionnels). De la domination acceptée à la violence des rapports imposés. 
Si le choix devient face à l'autre, une donnée substantielle génératrice de marge de manœuvres, le choix dans les sociétés africaines et surtout face à la marchandisation de la culture, impose une urgence: la nécessité de reformuler de nouvelles valeurs morales, une nouvelle organisation sociale et la création de nouvelles fondations communes. 

Sur ce point, se fait jour une incapacité africaine, celle d'une absence de propositions. 

Il manque une "industrie de la création du développement endogène africain" dans une logique d'offres de développement économique. En clair un agrégat de créativité individuelle afin d'accéder aux développements sur la base de leur propre système de valeurs et non d'un mix de valeurs (occidentales). La nouvelle tendance qui consiste à aller chercher des recettes de développement et de coopération du côté de leurs lointains voisins d’Asie, qui connaissent une croissance (Corée du Sud, Taiwan, Singapour, Hong Kong, Chine, Inde ...) dans une logique de "soumission choisie ou exploitation voulue, me fait sourire. L'axe d'échange Chine-Inde-Corée du Sud comme nouveau refus africain de trouver sa propre voie économique devient le nouveau centre d'intérêt des Etats d'Afrique francophone. 

Prenant exemple de leur développement, plusieurs Etats africains affichent clairement leur désir, puis volonté d'être cités dans les années à venir comme des pays économiquement émergent (Cameroun, Congo-Brazzaville, Gabon, Côte d'Ivoire, Sénégal, République Démocratique du Congo, Sénégal, Côte d'Ivoire,...). C'est ce que j'appelle une utopie structurante. 
Une utopie car, le dire ou l'écrire, pire se pavaner avec des pancartes annonçant l'émergence économique d'ici à 2025 suscite une foule de questions :
  • Peut-on décréter l'émergence économique d'un pays ?
  • Peut-on émerger économiquement rien qu'avec la communication politique des décideurs ?
  • Quelles sont les conditions socio-économiques, culturelle d'émergence ?
  • Quelles sont les politiques publiques favorisant l'émergence ?
  • Comment passer d'une utopie structurante à un écosystème économique national favorable à l'émergence d'un pays issue de la zone franc ? 
  • Émergence avec quel écosystème territorial ?
  • Émerger avec quelle économie de la connaissance ?
  • Est-il possible d'émerger économiquement sans solide cohésion sociale nationale ?
  • Comment faire émerger la compétition nationale face à la corruption rampante ou généralisée en Afrique francophone ?
John Locke : un gouvernement ne peut exister que pour défendre les libertés individuelles

L'improbable rôle des décideurs politiques dans l'émergence des économies de la zone franc d'ici à 2025

Pourquoi improbable ?
Parce que les politiques, faute de temps consacré à la réflexion, à l'action surtout, sont manifestement dépassés. 

L'émergence économique est en fait l'expression d'un besoin, celui d'être enfin soi-même, fier d'être africain, par des approches nouvelles et transversales, de développement, de comparaisons hardies, donc d'esprits neufs, dans des environnements des possibles. Mais, en Afrique francophone, on vous oblige à toujours faire du neuf (environnements des possibles, industrie de la créativité) avec du vieux (réflexes, attitudes, comportements, us et coutumes). Il existe en Afrique francophone un hiatus, d'un côté, un besoin immense maintes fois renouvelé de développement et de l'autre, des outils originaux indisponibles. Face à ça, il devrait en résulter une jubilation intellectuelle, des foyers d'intelligences vives, une économie de la connaissance entre science et marché, bouquet de pauvretés et réseaux de solutions endogènes, des débats incessants. 2014 devrait être une année de satisfaction extrême pour des citoyens de mieux en mieux ouverts sur le monde. Est-ce le cas, en Afrique francophone ? http://ppassy.blogspot.fr/2012/08/intelligence-des-crises-et-crise-des.html

En Afrique francophone une question fait peur, intrique, met mal à l'aise, rend suspect, vous érige bêtement en opposant. L'exercice le plus commun à tous les leaders consistent à développer une énergie hors du commun visant à empêcher LA QUESTION, à contrôler la question, à taire la question, à tuer la question. 
Le silence est le signe d'une bonne intégration. Les silencieux donc les invisibles, les imbéciles, les poids morts, les spécialistes du ventre ont le bénéfice de la durée. 

Combien de chefs d'Etat aujourd'hui, savent comment structurer des questions stratégiques qui ouvrent la porte à une réflexion sur les possibilités plutôt que sur la résolution de problème.

Au-delà des exigences de méthodes que l'émergence économique réclame, la condition la plus forte pour un épanouissement des esprits dans un pays est l'appétit de connaissances, la soif de découverte. Cet appétit suppose un minimum d'empathie pour l'objet étudié. Or elle est absente chez bon nombres des décideurs. Qui parmi eux peut prendre la parole et son stylo pour nous délivrer les contours d'une émergence économique d'ici à 2025 ?
L'Etat devrait être ce fleuve de réponses et le réussir ensemble cette tour d’appétits. 
Sauf que les décideurs politiques nous parlent d'émergence économique et améliorent sans cesse la culture de la corruption pour mieux gangrener les élans frémissants des peuples vers les libertés individuelles et collectives. Ils nous vantent les mérites du développement économique mais appauvrissent tout ce qu'ils touchent. Ils nous parlent d'avenir, mais érigent dans les actes le "présentéisme" comme démarche structurante pour être et durer.
Pourquoi donc se passionner pour l'émergence économique, en détailler les mécanismes pour en tirer le meilleur parti, communiquer à l'emporte-pièce sur le sujet,  puisque l'urgence est de gagner du temps et de freiner le changement induit par cette exigence ? 

La dictature est pour une part périmée, comme le sont aussi nos certitudes et nos analyses sur une Afrique en constante évolution. Il nous faut réapprendre le monde africain de l'intérieur, notre environnement, et changer nos manières de voir l'émergence économique. C'est un immense défi intellectuelcomparable à celui du Siècle des Lumières en occident, qui demande de l'audace, un dépassement dans la perception et la gestion des contraintes et des complexités. Il devrait y avoir, en Afrique francophone, une compétition intellectuelle intense pour expliquer, évaluer, apprécier les forces et les faiblesses de cette émergence économique et de la société nouvelle sur laquelle elle va déboucher dans une mutualisation d'intérêts nationaux. 
 37 rue des Mathurins
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