mardi 21 février 2012

Comment disposer d’un avantage concurrentiel sur un marché en crise ?

Le contexte économique actuel est caractérisé par une très grande incertitude quant à l’évolution des marchés. Les entreprises en ont souvent une faible visibilité et donc de plus en plus de difficultés à définir leur stratégie. Et en période de crise, les stratégies classiques atteignent leurs limites.
Historiquement, les stratégies les plus couramment appliquées en phase de croissance restaient, dans leurs principes, relativement simples : optimisation opérationnelle (baisse des coûts), différenciation et innovation.
Les principaux outils classiques d’analyse restent :
  • l’analyse de la chaîne de valeur, qui  permet d’identifier les savoir-faire spécifiques de l’entreprise pour mettre en place une politique d’optimisation des performances en se concentrant sur  les savoir-faire les plus performant ; ce qui se traduit aussi fréquemment par une démarche de réduction des coûts de production, sous-traitance, délocalisation….
  • l’analyse du portefeuille, qui fait ressortir le lien entre les évolutions attendues des marchés et les activités de l’entreprise, fondée sur une approche de la mesure de performance concurrentielle, et permet de prendre des choix décisionnels en réduisant les risques ; cette approche permet à l’entreprise de se concentrer sur les activités les plus profitables  quitte à céder les autres.
  • une stratégie de différenciation, qui passe par une décision de développer ce qui sera estimé comme un avantage compétitif, mais avec un risque d’erreur dans la sélection de celui-ci.
  • l’exploitation de l’innovation, qui est censée répondre à des nouveaux besoins ; mais dans les faits, moins de 50% des « innovations » passent le cap de la troisième année.
  • une recherche de diversification.
Par ailleurs, la plupart des marchés de biens manufacturés sont caractérisés par quelques tendances lourdes et pérennes comme : un prix moyen qui a tendance à baisser (accroissement des volumes) ; une durée de vie des produits qui se raccourcit (stimulation de la croissance) ; un élargissement du champ concurrentiel ; une offre produit de plus en plus globale.
Et ces stratégies nécessitent souvent des investissements lourds dans leur mise en œuvre.
Le cycle vertueux de la croissance  (accroissement du volume produit + innovation = baisse du coût de production) se transforme alors en un challenge complexe : réduction de la durée de vie des produits + réduction des durées d’amortissement = nécessité de renouvellement rapide, vraie… et fausse innovation !
En phase de croissance cette démarche est logique ; en phase de stabilité, elle n’est plus adaptée. Les modes standards de raisonnement tablent essentiellement sur une adaptation de l’outil industriel à l’évolution du marché.  Mais quand  la demande baisse, les décisions des entreprises sont essentiellement orientées en interne : réduction des coûts fixes, restructuration, réduction des capacités, délocalisation etc., pour s’adapter à une baisse de la demande. Cette adaptation de l’organisation et des structures est nécessaire mais rarement suffisante.

Comprendre la structure et l’évolution de ses marchés

Il existe cependant une autre démarche qui n’a pas les inconvénients de ces stratégies «standards» et qui consiste à chercher à comprendre les raisons fondamentales de l’évolution des marchés, pour définir une approche qui correspond davantage aux besoins. Le développement des outils de veille économique mis en place par les entreprises illustre cette préoccupation, mais reste très souvent trop général.
Le processus de segmentation des marchés est absolument essentiel. Il est à la fois le plus complexe mais aussi le plus déterminant. La plupart des entreprises restent, par absence de méthode, de temps, ou de volonté de remise en cause de l’existant, à un niveau d’analyse global de leurs marchés et manquent souvent d’informations précises leur permettant de faire une segmentation pointue permettant d’identifier les sous-segments ayant le même comportement. Car chaque marché, y compris le plus petit est caractérisé par un mix spécifique (produit, prix, communication, distribution). Et si un des éléments du mix est différent, on se trouve face à un marché différent.
L’approche par les marchés de niche consiste donc à décomposer, de la façon la plus fine possible, les différents segments et sous-segments d’un marché générique. De ce fait, on passe d’une analyse globale, (taille, évolution, rentabilité..) à une analyse qui devient beaucoup plus précise et permet d’identifier les micro-segments, ou niches, avec leurs caractéristiques propres.
Car être sur une niche présente de nombreux avantages : le marché est de petite taille donc la pression concurrentielle est moindre, le marché offrant peu d’intérêt pour des nouveaux entrants ; il existe souvent des barrières d’entrée limitant la concurrence ; les variations en volume sont moindres que sur des marchés plus concurrencés ; la pression sur les prix est plus faible ce qui permet d’avoir de meilleures marges ; le nombre d’intervenants est réduit ; les besoins des clients peuvent être mieux identifiés

Cette approche d’identification des niches offre plusieurs avantages :

  • une réduction des « risques marchés ». Cette approche permet en effet de maîtriser le risque marché. La décomposition d’un marché en niches permettant un positionnement beaucoup plus précis (taille, prospective, rentabilité,…) ; compte tenu de sa spécificité, une collecte d’information auprès de moins de 30 clients permet d’avoir un taux de fiabilité de près de 90%. Ensuite elle permet de pouvoir avoir une vision du portefeuille beaucoup plus fine et de définir une stratégie adaptée. Enfin, comme la démarche d’analyse porte sur des marchés existants, elle ne nécessite ni investissement coûteux, ni délai de mise en place et donc réduit considérablement les risques financiers.
  • une démarche de création de valeur. Les marchés de niche sont sécurisants (quand le chiffre d’affaire d’une activité est éclatée sur plusieurs marchés connus, la prospective de ceux-ci est plus facile à identifier et le « risque portefeuille » est réduit) et valorisants (il est plus facile d’avoir une position forte sur un marché de petite taille, d’avoir une offre plus fine quand la concurrence  est moindre  et quand on connait mieux les attentes des clients).
Quand le terme «marché de niche » est utilisé, c’est presque toujours pour souligner le caractère positif d’une démarche et du positionnement original d’une entreprise.

L’exemple éclairant des entreprises centenaires

Une illustration en est donnée par les entreprises familiales centenaires (moins de 1200 en France), qui ont réussi à résoudre trois problématiques : une transmission patrimoniale, une mutation de l’environnement industriel et économique, et une évolution de leur offre. Comment ? En se considérant davantage comme dépositaire de leur entreprise que comme propriétaire, (critères de rentabilité différents), en ayant des cycles longs de management (27 ans) qui permettent de prendre des décisions à moyen terme sans la pression d’actionnaires, et en faisant évoluer leur offre en relation avec l’évolution des besoins de leurs clients. Ce ne sont pas forcément des entreprises « innovatrices », mais ce sont les championnes de l’adaptation. La plupart de ces entreprises sont sur des niches. (Source :www.efc-centenaires.fr).

Une démarche qui doit être structurée

Un marché de niche ne se cherche pas, il se trouve. Il est illusoire de rechercher sans méthode un marché de niche. Les critères de segmentation sont autant de variables complexes à maîtriser. La mise en place d’une démarche sur les marchés de niche doit être structurée, si possible à partir d’un marché générique ou marché de référence.
Avec plus de 20 interventions, l’auteur de ces lignes en connaît les principales étapes qui sont : l’identification ; la détermination de l’existence d’un comportement homogène ; la quantification.
  • Identification. La première difficulté consiste à identifier les marchés et donc les critères pertinents de segmentation. Ces critères sont toujours variables en fonction de la nature des marchés. Identifier les marchés de niche, sur un marché générique nécessite une approche particulière. Les critères pertinents de segmentation sont extrêmement variables selon les marchés. Dans un marché, ce sera la matière et la distribution, dans un autre les typologies des cibles, ailleurs le prix, ou le comportement…
  • un comportement homogène. Ce qui fait la spécificité d’une niche c’est son homogénéité, en d’autres termes un « marketing mix » cohérent. Si un marché présente des prix différents et/ou des réseaux différents, on se trouve face à des comportements et donc à des marchés différents. La complexité de cette approche permet de prendre conscience de la nécessité de différencier ces marchés. Nous avons formalisé cette démarche grâce à une méthodologie propriétaire : Le Profilâ.
    Chaque niche étant sur un marché particulier, le comportement des clients lui aussi est spécifique ; les « facteurs clefs de succès » sont différents selon les niches. Le Profil permet de visualiser la perception qu’ont les clients de l’entreprise sur une niche particulière. Cette approche montre : que les facteurs clefs de succès ne sont pas les mêmes sur des niches différentes ; le positionnement concurrentiel de l’entreprise ; les points forts et faibles de l’entreprise perçu par les clients.
  • la quantification. Il est nécessaire de disposer d’une évaluation de la taille d’une niche et ce, quelle que soit celle-ci. La quantification donne une estimation sur la taille, la prospective, la part de marché. Or pour des niches, ces données ne sont quasiment jamais accessibles, il faut donc les construire. Le processus de quantification est spécifique à chaque niche. Il n’existe aucune méthode globale d’application.

Une approche pour tous types d’entreprises

Si  les niches sont des marchés de petite taille, ceci ne signifie pas qu’elles sont exclusivement réservées aux PME. Par nature ces dernières sont plus enclines à avoir une approche plus pragmatique, et de fait sont souvent sur des marchés «  protégés », soit par leur caractère géographique, soit par une approche très ciblée qui est en soi une approche de marché de niche. Mais les grands groupes et les ETI commencent à s’y intéresser, car les marchés de niches sont indiscutablement des relais de croissance profitables ; la « niche » d’aujourd’hui peut devenir le marché « phare » de demain.

Une approche d’actualité

Depuis le début de la crise, la presse économique souligne régulièrement la réussite des entreprises qui opèrent sur  des niches ; elles résistent beaucoup mieux que les autres, car maîtrisant mieux leurs marchés.

Pour nous résumer et conclure… provisoirement

Après les phases de restructuration imposées par la baisse des activités, les entreprises devraient, selon nous, aujourd’hui s’attaquer à la compréhension fine de leurs marchés. L’approche par les marchés de niche est la plus simple, et la moins coûteuse à mettre en place.
L’enjeu d’une niche peut sembler mineur, compte tenu de la faible taille de celle-ci. Mais identifier aujourd’hui les niches sur lesquelles l’entreprise est présente,  permettra demain à celle ci de disposer d’avantages concurrentiels.
Il existe des niches dans tous les secteurs (service, conseil, industrie,…). De nombreuses entreprises peuvent être sur des niches sans le savoir, par manque de pratique, de méthode, de temps.
Quelle que soit la taille de l’entreprise, une réflexion sur son activité et son environnement peut permettre d’identifier des marchés sur lesquels le positionnement est parfois différent de celui initialement envisagé.
Car un marché de niche aujourd’hui peut devenir un marché de masse demain à l’exemple, aujourd’hui démontré, des panneaux photovoltaïques, de la voiture électrique ou des crèmes éclaircissantes,…
patrice.passy@hotmail.fr

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