mardi 20 décembre 2011

En 51 ans, pourquoi 47 coups d’États en Afrique francophone ?


ÉTAT FRANCO-AFRICAIN : INTELLIGENCE POLITIQUE ET STRATÉGIE

Par Patrice PASSY
 

1- Les États africains dits francophones ont hérité d’une tradition française, la France est l’un des rares pays d'Europe occidentale (France, Grèce) à avoir connu près de trois coups d’État. Elle n’a fait que transférer à ses « ex-colonies » ses mauvaises habitudes politiques et anticonstitutionnelles de résolution de conflits politiques internes. 
 

        2- La poursuite de la réponse à cette question nous permet d’accéder aux origines du pathétique africain, en d’autres termes, à la compréhension des usages de coups d’État, comme moyen militaire et méthode politique de maintien et de pérennisation des intérêts français dans son espace francophone africain. La dernière livraison ivoirienne de 2011, est la démonstration la plus robuste de la tradition diplomatique française en Afrique. Tout cela au mépris des intérêts supérieurs de ces États. L’Afrique est encore la seule partie du monde ou le cours de l’histoire peut être changé avec une centaine d’hommes armés, même mal entraînés. 


Le coup d’Etat comme moyen simple de résoudre les complexités de la gestion d'intérêts multiples.


L’indépendance des pays d’Afrique francophone a été octroyée par la France dans les années 1960, c’était une volonté souveraine, de donner de la liberté politique apparente à ses ex-colonies. Pour gérer ses intérêts après la décolonisation, mieux vaut disposer des hommes de mains, des hommes de confiance, des amis de la France, des relais locaux dociles, soumis et sans culture de l’intérêt national. Cependant, à ces derniers dans la gestion de leur cité, la France, interdit l’implantation ou le développement de la culture démocratique pour laisser se développer avec ses encouragements, la culture du parti unique en clair de la dictature politique . C’est ainsi dès 1963, le Congo-Brazzaville ouvre le bal des règlements politiques par la violence avec  des méthodes anticonstitutionnelles. David Moussaka et Félix Mouzabakani renversent le Président Fulbert Youlou,  cette même année Emmanuel Bodjollé renverse Sylvanus Olympio au Togo. Puis à partir de 1965, 33 pays sur 53 ont connu comme solution de facilité ou de règlement des situations politiques : le coup d’Etat. L'Afrique aime les modes, le coup d'Etat était le mode de réglèmemnt recommandé comme l'est aujourd'hui la mode des élections truquées ou l'affiliation présidentielle. C'est la période des années de décroissance économique continue. La dictature éclairée, brutale, n'avait pas d'importance, le principal était d'être et de demeurer un  fidèle ami de la France, peu importe la manière, l'art et l'intelligence. La violence a connu sa période faste en Afrique avec ce genre de logique.     
 

        Très préoccupés par la stabilité politique dans sa zone de confort économique, les intérêts français vont prendre part à l'émergence en Afrique francophone des formes de gouvernements dans lesquelles, une personne seule, quelques membres d’une ethnie, un groupe d’officiers va posséder un pouvoir absolu, sans contre pouvoirs et sans mandat déterminé. 


Mission d’un coup d’Etat en Afrique francophone


La mission
 

         Elle consiste simplement à se libérer du contrôle parlementaire, constitutionnel, réglementaire afin de gérer les affaires économiques, stratégiques dans l'opacité la plus totale tant pour le peuple que pour les intérêts du pays. 


Le rôle du coup d’Etat



      Son rôle principal est de briser tous les liens nuisibles aux exploitations des rentes. Le coup d’Etat comprime la parole, disout les contrôles, disloque la continuité de l’Etat et permet aux putschistes de se défaire de tous les contrôles économiques, stratégiques, intellectuels et identitaires d’un Etat viable. La conséquence est l’installation des chaos, donc des servitudes. Ces dictateurs une fois au pouvoir l'ont conservé en établissant un régime de parti après un coup d'État militaire. Aujourd’hui les méthodes sont moins sanglantes, mais tout aussi mortifères pour l’expression de la démocratie. Il s’agit d’utiliser  généralement la force ou la fraude pour gagner le pouvoir et le conserver par l'intimidation, la terreur, la répression des libertés civiles, et le contrôle des médias de masse ainsi que  la propagande ou la violence militaire pour réprimer l'opposition. En favorisant la métastase des régimes dictatoriaux, la France a laissé se développer le cancer ayant terrassé les régimes actuels à savoir : la corruption.
 

        Le coup d’État en Afrique francophone se produit lorsqu’un groupe de traîtres de la Nation, d’opposants au développement harmonieux du pays, de mécontents légitimes, grâce des moyens anticonstitutionnels prennent le pouvoir, généralement par surprise, à la suite d’un conflit armé de basse intensité, d’une situation politique conflictuelle directe ou téléguidée. 


Les quatre causes d’un coup d’État en Afrique francophone



          Dans les habitudes politiques de l’Etat franco-africain, on n’aime pas deux choses : la nouveauté et les chefs d'Etats "patriote". Toute nouveauté en France fait peur, en politique on n’aime pas les sauts dans l’inconnu. Car la complexité des rapports économiques et stratégiques veulent la stabilité, la continuité, et des partenaires de confiance. Il est plus facile de travailler avec  putschiste issu de l’ancien régime, avec dictateur mutant en démocrate, un dinosaure politique recyclé en démocrate qu’un démocrate régulièrement élu et intransigeant sur les intérêts de son pays. 
 
       Grosso modo, l’exécution du coup d’État se doit d’être rapide, minutée et bien coordonnée. C’est une opération militaire qui n’admet pas l’impréparation. La porosité des services des renseignements du pays cible, fait que le secret de la préparation se fait souvent sans trop d’effort, les complicités et oppositions internes aidant les corruptions utiles. De la rapidité d’exécution dépend le succès de l’opération ce qui limite aussi le nombre des victimes. Il n’est pas beau actuellement d’arriver au pouvoir en marchant sur un tas de cadavres. Les cibles prioritaires lors de la conquête des organes vitaux de l’État sont le palais présidentiel, le parlement, le sénat, la télévision nationale, ainsi que la radio d’État. Les organes vitaux de l’État (le ministère de la Défense, le ministère de l'intérieur, la banque centrale, le ministère de la communication, l’État Major, les frontières, sont généralement infectés des hommes de mains des putschistes chargés veiller à la neutralité des caciques du régime ou de neutraliser toute action ou réaction contraire). Les membres du gouvernement sont ainsi rapidement mis, après la conquête de la Présidence, en état d’arrestation pour mieux s’assurer de la neutralité bienveillante ou imposée des membres du régime. 
 
       L’habillage communicationnel prend le relais pour expliquer le pourquoi du comment à l’opinion nationale que les radios étrangères ont préparé pendant des mois. L’opinion internationale au courant des affres du dictateur finit par lâcher et accepter le renversement ou la mort (le dernier cas d'école est la mort de Kadhafi). Les connivences diplomatiques sous- régionales et internationales vont tourner à plein régime pour la reconnaissance du régime, ou observer un silence bienveillant. L'ex puissance colonial superviseur du putsch se charge auprès des grands de ce monde de légitimer, d'expliquer et de monnayer le coup de force. Les conseillers juridiques externes payés à grand frais rentrent en scène pour modifier la constitution, enseigner les nouvelles méthodes de  trucage d'élections, de préparation des référendums, ou des plébiscites. Continuer est douloureux pour les démocrates africains...j'arrête !

Mais...ainsi va l’Afrique dite francophone.

       En Afrique francophone être président à la fois dangereux et simple avec ses 47 coups d’Etats réussis en 51 ans de gestion des concessions postcoloniales par les afro-français, c’est le moins qu’on puisse dire. 

Pourquoi l’exercice du pouvoir est-il particulièrement si dangereux dans nos contrées ?

       Parce que la France n’a pas été capable à ce jour, de donner du sens à son action en Afrique francophone. C'est-à-dire l’ensemble des idées fortes (droits de l’homme, démocratie, développement des pays amis, intérêts français…) associés à son action, ou encore l’exposé clair du principe intelligible aussi bien de la stratégie que de la méthode qui se rapporte aux actions françaises en Afrique. L’incapacité à s’adapter face au nouveau africain, l’ignorance de la rue africaine, le manque de compétence interculturelle, l’absence de cohérence et de structures dans ses expressions, la faiblesse de ses moyens financiers, militaires se sont chargés de rendre inopérante la communication sur le sens de l’État franco-africain.
 
         Lorsque le principe de raison suffisante comme l’exige les philosophes ne permet pas de donner un sens au monde franco-africain, c'est-à-dire sa raison d’être, il est difficile de consolider le contrat d’adhésion imposé aux « Républiques sœurs d’Afrique » dès la fin des années 50. Or nous savons tous que sans sens du monde, l’État franco-africain n’agit pas, la France réagit presque systématiquement non plus pour la protection de ses intérêts mais pour la survie de ces derniers. Cependant, sans sens de son action (ce qui arrive quand on survie) la protection systématique de ses intérêts dans la zone franc comme finalité de sa présence n’a plus de légitimité, ni d’assise mobilisatrice. Le coup d’État devient le moyen facile d’être et durer ou de réparer ce que les myopies stratégiques, les faiblesses blâmables françaises ont laissé gangréner depuis des décennies. 
 
      Les coups d’État en Afrique francophone sont donc l’expression d’un affrontement  permanent d’intérêts multiples et de visions (vision économique et politique françaises, vision démocratique ou de développement selon les spécificités et les forces en présences de chaque pays). Entre le difficile respect des contraintes démocratiques, le contrôle parlementaire, la morale française, le respect de la loi et la facilité du désordre comme finalité politique, la France choisit souvent la solution qui est la plus confortable loin de ses frontières à savoir : la voie du diable, c’est à dire : les coups d’État pour y ériger des dictatures qui favorisent l’exploitation tranquille des rentes, la pérennisation de ses intérêts, positions géostratégique et sa langue...
Celui qui est placé par les intérêts français naturellement après un coup d'Etat est un ami de la France. Cet ami est bien conscient que les intérêts  de la France passent avant ceux de son pays et qu’il doit impérativement renvoyer l’ascenseur dans les plus brefs délais.  Oublier de le faire, le non respect ou la contestation de ceux-ci, sont souvent la cause d'une mort violente....L’actualité en Afrique francophone 51 ans après fourmille d’exemples des plus scabreux ou des plus sordides...

CAFÉ HISTOIRE AFRIQUE COMMENCE EN 2012, QUI QUE VOUS SOYEZ VOUS ETES ATTENDUS !!!

patrice.passy@hotmail.fr 

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