Notre
contribution pour une meilleure intelligence économique
Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique et Compétitivité d’entreprise
Ancien
conseiller de Premier Ministre
Enfin la signature de la décision finale d’investissement du
gisement pétrolier Moho-Nord
Le Ministre Congolais des hydrocarbures, André Raphaël LOUEMBA,
le directeur général de Total E&P
Congo, Babak BAGHERZADEH et le directeur de Chevron Congo Overseas, Peter HARTSHON ont procédé le 22 mars à Brazzaville, à la signature de la décision
finale d’investissement du gisement pétrolier Moho-Nord. Avec la signature de
cette décision finale, Moho-Nord entre donc dans sa période de réalisation et
de construction des installations permettant la mise en production de la phase
1 bis de Moho-Bilondo dès 2015, et de Moho-Nord dès 2016. Situé à 77 km des côtes congolaises
aux larges de Pointe-Noire, Moho-Nord a une profondeur d’eau variant entre 650
et 1.100 mètres ,
avec une profondeur des forages se situant entre 2.500 et 4.000 mètres à partir
des fonds marins. Il dispose de réserves récupérables de 325 millions de
barils, d’un schéma de développement présentant douze puits producteurs et cinq
puits injecteurs d’eau, d’une unité de production flottante, des conduites
d’huile et de gaz vers Djeno et Nkossa.
Quatre ans après l’entrée en production de Moho-Bilondo,
pionnier des grands fonds congolais, le lancement du projet Moho-Nord poursuit
la conquête des eaux profondes vers les huiles plus difficile. Les deux
développements menés simultanément sur le permis d’exploitation de Moho-Bilondo
permettront de valoriser toutes les découvertes économiques non encore
développées sur ce permis. Le coût de l’investissement du projet Moho-Nord
s’élève à 6,6 milliards de dollars américains.
Moho-Nord est le plus grand projet de développement pétrolier du
Congo depuis 1960: 30% environ de la production pétrolière nationale
Nouveau centre de production d’une capacité de 100.000 barils
par jour, Moho-Nord est le plus grand projet de développement pétrolier du
Congo jusqu’à ce jour. Il contribuera à lui seul à 30% environ de la production
pétrolière nationale. A l’horizon 2016, Moho-Nord et Moho phase 1 bis porteront
à plus de 200.000 barils par jour la production de la société Total au Congo.
Selon Babak
Bagherzadeh, ce projet constitue l'avenir de l'exploration pétrolière au Congo,
parce qu’il comporte le volet «contenu local» important pour le développement
des capacités industrielles du pays. En effet, "un programme de fabrication et de prestation, à réaliser au Congo a été
imposé aux contractuels internationaux. Ces travaux devront permettre la plus
grande implication des entreprises congolaises dans la réalisation du projet.
Il est prévu, par exemple, que près de 12.000 tonnes d’éléments pour réaliser la plateforme pétrolière et le forage soient fabriquées localement à
Pointe-Noire".
MOHO-NORD
ET L’EXISTANT DES PME CONGOLAIS
- Une pénurie de personnel
et des entrepreneurs ayant les compétences appropriées.
- Une Insuffisance de l'infrastructure industrielle locale.
- Une incapacité des entrepreneurs locaux à présenter des soumissions concurrentielles qui répondent aux exigences de qualité, de sécurité et autres normes dans le domaine pétrolier.
Le programme « contenu local » de TOTAL au
Congo-Brazzaville
De quoi s'agit-il ?
Le «Contenu local» de TOTAL, se réfère à l’ensemble
des actions - recrutement local, formation, achats de biens et services locaux
- qui sont conçus pour développer l'infrastructure industrielle et les compétences des personnes au
Congo-Brazzaville en rapport avec les projets de gaz et de pétrole. Le "contenu
local" est généralement mesuré en pourcentage d'investissement, d'heures
travaillées, de matériel fabriqué ou de nombre d'emplois créés.
Objectifs
du projet :
- permettre
la mise à sec des navires jusqu’à 5 000 tonnes. La structure actuelle ne
reçoit que des navires de 600 tonnes au plus ;
- augmenter
la capacité de production en structure métalliques pour les futurs projets
pétroliers off-shore (MOHO Nord en particulier) ;
- intégrer
une unité de traitement des déchets hydrocarbures des navires.
- créer
un atelier de montage de navires d’assistance à la sécurité en mer
Le « contenu local »
est un boulevard d’opportunités pour les PME-PMI congolaises, car ce programme
permet d’améliorer durablement les compétences et le renforcement des capacités
industrielles du Congo-Brazzaville. Ceci à son tour va stimuler la croissance
économique et renforcer la cohésion sociale. Cependant, ne perdons pas à
l’esprit que ce programme de « contenu
local » est conforme aux caractéristiques techniques du projet MOHO-NORD et non de l'industrie locale
congolaise. En effet, l’évaluation du contexte industriel congolais, la
classification des compétences disponibles, la cartographie des attentes des
entreprises congolaises, ne permet pas, à ce jour, d'identifier et de développer
les ressources locales. Or, le temps est compté et les concurrences chinoise,
française, sud-africaine, brésilienne, camerounaise et indonésienne n’attendent
point. Il faut donc faire face et agir rapidement
dans le cadre du développement du patrimoine
économique de l’Etat et du potentiel de prospérité ainsi offert aux entreprises
congolaises.
MOHO-NORD ET LA SOUS-TRAITANCE , UN OUTIL DE DÉVELOPPEMENT ECONOMIQUE DU CONGO
Quels sont les résultats attendus pour les PME-PMI Congolaises ?
- MOHO-NORD, grâce à la
sous-traitance, peut jouer un rôle fondamental dans la croissance
économique de Pointe-Noire et la réduction de la pauvreté, notamment en
termes de création d’emplois et de richesse.
- Permettre à un nombre
croissant d'entrepreneurs congolais à atteindre les normes internationales
en termes de qualité, délais, sécurité, conditions de travail et le
contrôle des coûts.
- Renforcer les compétences
congolaises afin de mieux répondre aux besoins (industriels, techniques, environnementaux) de TOTAL ou
d’autres partenaires internationaux, et indirectement pour leur permettre
d’élargir leur base de clientèle et / ou domaine d'activité.
- Améliorer la conformité
des PME – PMI Congolaises aux spécifications des entreprises pétrolières
et gazières comme TOTAL pour atteindre les normes internationales en
termes de qualité, délais, sécurité, conditions de travail et le contrôle
des coûts et offrir ainsi des services à haute valeur ajoutée à d'autres
clients.
Pourquoi ?
- Parce que la
sous-traitance constitue aujourd’hui l’un des outils largement mobilisé
par les pouvoirs publics au service du développement économique, de la
compétitivité des entreprises, du fait de ses avantages en termes
d’amélioration de la qualité, d’abaissement des coûts, de gain technologique, d’amélioration de la
productivité des facteurs de production, d’économie d’échelle et de
créations d’emplois.
- Parce que encore la plupart des
expériences en la matière, de par le monde, révèle que la sous-traitance
conduit à une efficacité accrue et d’énormes avantages aussi bien chez le
donneur d’ordres qu’auprès des sous-traitants. Spécifiquement chez les
PME-PMI, les bénéfices de la sous-traitance sont nombreux : transfert
et meilleure maîtrise des technologies, utilisation plus importante des
capacités de production, et plus grande spécialisation pour ne citer que
ceux-ci.
Malgré toutes ces opportunités découlant de MOHO-NORD et de sa
sous-traitance, la volonté et l’engagement politique sur la question reste
encore à traduire fermement pour être enfin audible. Il ne vous a pas échappé
que la pratique de la sous-traitance au Congo reste peu développée, malgré
l’intérêt économique évident que ce projet structurant et transversal génère
pour l’économie congolaise.
Comment améliorer l'existant
Les pouvoirs publics,
pour accompagner les PME dans l’exigence de compétitivité et de performance,
ont élaboré des politiques et mis en
place quelques institutions et instruments d'accompagnement. Cependant, pour rendre l’existant
performant, une attention particulière devra être portée sur :
·
Les Centres de
Gestion agréés
·
Le Guichet
Unique Nationale de l’Information Professionnelle
·
La Banque Congolaise des PME (BC-PME)
·
La Bourse Congolaise
de Sous-traitance et de Partenariat (BCSTP)
·
Le Programme
d’Appui à la Création et au Développement de PME de transformation des produits
locaux (PACD/PME) à initier par le Ministère des Petites, Moyennes Entreprises
Le développement des partenariats internationaux permet
également de capitaliser l’accompagnement des organismes internationaux.
MOHO-NORD ET L’ETAT CONGOLAIS : L’ORGANISATION DE LA RÉPONSE FACE AUX BOULEVARDS D'OPPORTUNITÉS
- Les
faits : le contrat de partage ?
Conformément au
contrat de partage de production qui régit la fiscalité applicable au Congo,
les investissements et les bénéfices de l'exploitation du Moho-Nord, après
partage de la production avec l'Etat, sont répartis entre trois compagnies : Total E&P Congo, opérateur du
projet détenant 53,5% des parts ; Chevron
Congo Overseas (31,5%) et la SNPC (15%).
Total E&P Congo développe dix champs pétroliers, sur les
vingt-un exploités au Congo. Elle est le premier investisseur et employeur
privé du Congo, avec 974 salariés,
dont 730 Congolais. La filiale
représente à elle seule 60% de la
production de brut congolais et développe des actions sociétales.
500
millions d’euros pour développer le champ pétrolier Moho-Nord au Congo - La
compagnie d'ingénierie pétrolière Technip et la société pétrolière Total ont
signé un contrat d’une valeur de 500 millions d’euros pour le développement du
gisement off-shore de Moho-Nord, exploité par Total E&P Congo au large de
Pointe-Noire, au sud du Congo. Selon le vice-président de Technip, également
responsable du secteur, Frédéric Delormel, c’est le plus important contrat
sous-marin de l’histoire de la société Technip. Les travaux de développement du
gisement off-shore de Moho-Nord débutent cette année. Le contrat porte sur
l'ingénierie, la fourniture d'équipements, l'approvisionnement, l'installation
(EPSCI), la pré-mise en service du projet en développement de Moho-Nord, situé
à 75 kilomètres
des côtes du Congo-Brazzaville par des profondeurs d'eau comprises entre 650 et
1.100 mètres .
Composé de deux puits avec des réserves estimées à 230 millions de barils, le
projet passera en production à partir de 2015.
Le groupe d'ingénierie pétrolière sollicitera des sous-traitants
congolais installés à Pointe-Noire, pour la fabrication de diverses structures
métalliques. Les travaux devraient démarrer dès 2014.
- Moho-Nord
et l’Etat Congolais : l’urgence d’une ingénierie juridique pour
redynamiser son activité industrielle
Cette Ingénierie juridique doit intégrer la nécessaire :
Dimension
prospective visant à :
·
Mener une
réflexion interministérielle dans le cadre d’un Centre National de Prospective et d’Analyse Stratégique du Congo
pour identifier puis définir le périmètre stratégique des intérêts de l’Etat.
·
Disposer d’une
cartographie des attentes et besoins des entreprises congolaises.
·
En tant que
force de propositions, présenter aux ministères dédiés un arsenal juridique
(pas un texte de loi) qui permette à l'Etat de pouvoir disposer en toute
connaissance de cause de son espace industriel.
·
Assurer la
cohérence et la coordination des actions menées par les différents pôles et
ministères.
·
Organiser la
réponse de l’Etat par projet stratégique à définir.
·
Mettre en place
une cartographie décisionnelle et informationnelle de chaque entreprise,
organisation, institution
Le
rôle de la commande publique dans la structuration et le développement du tissu
industriel du Congo
L’Etat Congo est conscient que l’entreprise privée est au cœur
de toute croissance économique, mais cela ne peut se faire sans la commande
publique et celle-ci est insuffisante, parcellaire et quand elle a le bonheur
d’exister, les conditions d’attribution des marchés publiques rencontrent
encore des difficultés avec les notions comme transparence, neutralité et
efficacité. La commande publique, est l’ensemble des « achats
publics » passés par les collectivités et acteurs locaux pour faire face à
leurs besoins de biens ou de services, quel que soit le mode de passation
retenu. Le tissu industriel est faible et la contribution des entreprises
privées au PIB reste faible. Nous avons recensé quelques projets structurants
programmés dont certains ont heureusement connu un début d’exécution. MOHO-NORD
est un projet structurant dont les exigences multiformes posent de lourdes
difficultés aux entreprises locales pour des raisons récurrentes d’insuffisance
de financement, de technologie de pointe, de compétences avérées, de
flexibilité, d’opacité dans la gestion…qui ne constituent pas une garantie pour
TOTAL et ses partenaires.
Pour faire de la sous-traitance un vecteur de solidité plurielle
de la PME
congolaise, plusieurs axes de réflexions doivent être envisagés.
1. La parité fixe du Fcfa avec l’Euro constitue un atout, certes,
pour des économies fragiles comme celle du Congo. Mais c’est à travers un
change flottant qu’une économie doit penser se développer car, le change fixe
nourrit les rigidités, la non-compétitivité car la dépréciation n’existe pas en
contexte de morosité économique.
2. Des compétences, le Congo n’en manque pas véritablement et à
l’intérieur et à l’extérieur. Les congolais de l’étranger ne réclament que des
conditions correctes de travail (rémunérations, stratégies d’attraction des
compétences et d’épanouissement des projets d’affaires par exemple)
3. Avec un peu plus de volonté politique, Il est possible de réunir les conditions de compétences de
MOHO-NORD, si celles-ci sont remplies, on pourrait envisager une
endogénéisation de la fabrication des outils de production nécessaire qui reviendrait
à moindre coût et rendrait plus
compétitive les PME nationales congolaises même à l’international.
4. L’Etat doit continuer à encadrer la PME , par la défiscalisation
des intrants technologiques destinés aux projets structurants.
5. Une politique nationale nouvelle sur l’accessibilité aux
bourses étrangères dans les universités
des filières centrées sur les projets structurants.
6. Les PME qui sont encore des SARL devraient devenir des SA en
relevant leur capital au moins à 10 millions de FCFA, et s’introduire en bourse
afin de gagner la confiance des créanciers à travers une plus grande
transparence.
Si ces conditions, entre autres, ne peuvent pas être remplies,
la sous-traitance risque de ne pas atteindre la cible escomptée c’est-à-dire
MOHO-NORD. Par voie de conséquence, la
PME nationale verrait sa situation de marginalisation
s’aggraver.
MOHO-NORD :
ET SI LE CLUSTER POUVAIT PERMETTRE DE DONNER DE LA CONSISTANCE AUX
PME
Face aux faiblesses structurelle, organisationnelle, financière
des PME-PMI congolaises liées à l’exigence de la demande du client, avions-nous
pensé au cluster comme l’une des solutions à ce problème ? Bien entendu,
il faut réfléchir dans des délais compressés à la faisabilité de ce modèle
d’organisation.
Le
cluster : qu’est-ce que c’est ?
Le cluster est un
ensemble économique, ancré dans un département (Kouilou) qui regroupe des PME,
des collectivités locales décentralisées (mairies, communautés), des
institutions étatiques dans leurs démembrements régionaux (diverses délégations
des ministères), les institutions financières installées dans la région, les
entreprises donneuses d’ordres installées dans la ville de Pointe-Noire et les
grands fournisseurs.
Cette organisation à créer pour et grâce à MOHO-NORD et qui doit
avoir pour point focal la PME
congolaise, bénéficiaire en premier lieu, grâce à la sous-traitance de l’activité
économique qui se déploierait dans la région, engage les autres membres du
cluster, en ce sens que les projets de mutualisation d’intérêts (travail,
connivence d’intérêts) qui se développent doivent atteindre une masse critique suffisante
pour intéresser TOTAL.
Les PME-PMI congolaises qui soumissionnent doivent apprendre à « chasser
en grappe » en impliquant tous les membres du cluster,
c’est-à-dire, la ou les PME qui participent à la réalisation du projet, le
département du Kouilou qui voit l’activité prospérer dans son département, avec
un accroissement des recettes fiscales, les assureurs qui voient leurs affaires
prospérer, c’est aussi le cas de grands fournisseurs et enfin les grands
donneurs d’ordre qui peuvent sous-traiter une partie de plus en plus importante
de leurs activités, en toute confiance et sérénité, parce que les PME agissent
ensemble, résolvant de ce fait le problème de taille et de complémentarité de
compétences face à la demande technique et financière qu'implique MOHO-NORD pour les PME CONGOLAISES.
Patrice PASSY
Conseil en Intelligence Economique compétitivité de l’entreprise
Ancien conseiller de Premier Ministre